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les découvertes scientifiques et les connaissances élémentaires seront le plus répandues ne peut manquer à la longue de l’emporter sur les autres. Les événemens d’hier viennent de révéler tout ce qui manquait à la France sens ce rapport, et les conséquences désastreuses de cette infériorité sont sous nos yeux. Il faut en toute hâte la faire cesser, sinon l’affermissement des institutions libres est impassible.

De grandes défaites ont été pour plus d’un pays le commencement de la régénération. C’est après avoir été vaincue par Frédéric II que Marie-Thérèse organisa l’enseignement en Autriche et réforma l’administration. C’est après Iéna que Stein a transformé les conditions sociales en Prusse, que Scharnhorst y a introduit cette organisation de l’armée, G. de Humboldt celle de l’instruction publique, dont on a pu apprécier les résultats. Après la guerre de Crimée, la Russie abolissait le servage, immense révolution sociale, et couvrait son territoire de chemins de fer, grand progrès économique et stratégique. Les États-Unis, pendant le temps même qu’ils soutenaient une guerre civile qui leur coûtait 35 milliards de francs, doublaient la somme qu’ils consacraient à l’instruction, et depuis ils l’ont doublée encore, de façon que les anciens états libres consacrent aujourd’hui à ce service 250 millions de francs. À ce compte, la France devrait y affecter au moins 350 millions.

Au lieu de cela, elle vient de diminuer le budget de l’instruction, de taxer le papier, d’augmenter le prix du transport des lettres et des marchandises, qui établit entre les hommes l’échange des idées et des produits, source de toute civilisation. Ce n’est pas en enlevant un million à l’enseignement, déjà si misérablement doté, en faisant encore quelques pauvres économies sur les autres services publics, en accablant toutes les transactions de taxes nouvelles, que la France pourra marcher de pair avec les grands pays, où on ne recule devant aucun sacrifice pour favoriser les progrès de la science, la diffusion des lumières, l’activité des échanges et des communications. Après d’aussi désastreux événemens, il faut de profondes réformes. Il ne s’agit de rien moins que d’une rénovation sociale et politique, dont la première condition est de répandre partout l’instruction. Napoléon Ier a cru perdre la Prusse en l’obligeant à ne maintenir que 40,000 hommes sous les armes ; il a posé le fondement de ses futurs accroissemens. Que la France se soumette momentanément à une condition à peu près semblable, — qu’elle ait l’énergie d’enlever quelques millions à une marine qui, les États-Unis l’ont bien compris, ne peut se maintenir au niveau des inventions nouvelles, — à une armée dont il faut refondre toute l’organisation, et que ces millions, en partie du moins, on les donne