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par le Crédit foncier ne reposent sur rien de sérieux, ce n’est pas 45 ou 90 millions qu’il faudrait à cette institution pour en assurer le remboursement, c’est une somme correspondante à celle des obligations en cours, et encore devrait-elle ne pas être employée et rester à l’état de dépôt, car l’emploi pourrait lui faire courir des risques. Supposons aussi que la Banque de France ait émis ses 2 milliards 400 millions de billets sans avoir de contre-valeurs sérieuses d’une réalisation facile et assez prompte; quel capital serait nécessaire pour que ces billets pussent circuler au pair, et que le remboursement en fût certain ? Le triple et le quadruple de celui qui existe aujourd’hui serait loin de suffire.

L’essentiel pour un établissement de crédit, ce n’est pas d’avoir un capital plus ou moins fort, c’est de faire toujours des opérations parfaitement régulières. Les 1,300 millions d’obligations du Crédit foncier trouvent faveur auprès du public et sont cotées à des taux avantageux parce qu’on sait qu’elles ont été émises contre une somme pareille de prêts hypothécaires et communaux très solides, que les annuités de ces prêts servent à payer les intérêts des obligations et à en amortir le capital; alors on s’inquiète peu du fonds social de la compagnie. Il en est de même pour la Banque de France. Oserait-on soutenir que c’est sur l’importance du capital de cet établissement que repose la foi qu’inspirent les billets au porteur, et que ceux-ci gagneraient en sécurité, si le capital était augmenté? Il y a quelques années, lors du renouvellement du privilège de la Banque de France, on l’a obligée de doubler son ancien fonds et de le porter à 182 millions; cela n’a point empêché bientôt après les crises de 1863 et de 1864 de se produire, il a fallu pour les conjurer recourir aux mesures les plus rigoureuses. Il est vrai que l’état avait imposé le placement en rentes du nouveau capital; mais celui-ci eût été disponible, que les effets eussent été les mêmes. Quand les crises surgissent, elles ne tiennent pas à 100 millions de plus ou de moins dans la caisse d’une banque; elles attestent que, pour des causes diverses, on a trop dépassé la limite des ressources disponibles, et qu’il faut tendre à s’en rapprocher. En pareil cas, l’augmentation du capital de la Banque de France ne peut être d’aucune utilité; si elle est immobilisée en rente comme en 1857, elle ne sert pas pour les opérations d’escompte, et, si elle est disponible, elle est bien vite absorbée : c’est un verre d’eau pour éteindre un incendie. Quand la crise est passée, le nouveau capital devient un embarras et s’ajoute aux sommes improductives qui s’amassent dans les caisses de la Banque. On l’a vu à la veille de la guerre, où la réserve métallique était de 1 milliard 300 millions contre une circulation fiduciaire de 1 milliard 400 millions. Nous admettons pourtant qu’on ait dû augmenter le capital de la Banque en 1857 à