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cause des développemens prodigieux qu’avaient pris les affaires de cet établissement depuis un certain nombre d’années; mais il est aujourd’hui parfaitement suffisant, et dans tous les cas ce n’est pas au milieu d’une crise qu’il faudrait l’augmenter.

On conseille encore à la Banque de France d’acheter des métaux précieux au dehors, de disputer par exemple aux spéculateurs ceux qui arrivent chaque semaine ou chaque mois, à Liverpool ou ailleurs, des placers de la Californie et de l’Australie. On suppose qu’on n’aurait pas à redouter ce qui a eu lieu il y a quelques années, où la Banque payait des primes considérables pour du numéraire qui lui était repris le lendemain par ceux-là mêmes qui le lui avaient vendu. Grâce au cours forcé, une fois entré dans ses caisses, il pourrait n’en pas sortir, et alors il aurait deux utilités : d’abord de satisfaire les besoins exceptionnels qui pourraient se présenter, ceux de l’état surtout, ensuite, en augmentant le rapport de l’encaisse métallique à la circulation fiduciaire, de permettre à celle-ci de s’étendre. Ce sont toujours les mêmes illusions. La Banque de France ne pourrait payer les métaux précieux qu’elle achèterait à Liverpool ou ailleurs qu’avec des traites sur l’étranger. Ces traites lui seraient fournies par des banquiers qui les créeraient tout exprès, et qui, pour en couvrir leurs correspondans, seraient obligés d’envoyer des métaux précieux au dehors; ils rechercheraient donc ceux-ci plus que jamais, la prime de l’or monterait, et l’appât de cette prime en ferait sortir du pays une quantité plus considérable. On ne reprendrait pas directement à la Banque ce qu’on lui aurait vendu, mais on le retirerait du pays, et le résultat serait le même, s’il n’était pire. Pour payer ces traites, la Banque aurait en effet commencé par faire une nouvelle émission de papier-monnaie, c’est-à-dire par augmenter les risques de la dépréciation.

En définitive, tous ces expédiens que nous venons de discuter se résument en ceci : lorsqu’on n’a pas assez de capital réel, on peut en créer d’artificiels. C’est le fond de la théorie de Law. « Pour que la valeur des choses, disait-il, soit dans des conditions normales, il faut que la somme de monnaie soit constamment en équilibre avec la quantité des marchandises, hypothèse qui ne peut se réaliser que du moment qu’on pourra fournir sur des garanties réelles du numéraire à tous ceux qui en réclameront. Si la monnaie sous forme métallique rend ce desideratum une chimère, rien n’est plus facile que de le remplir sous forme de papier. » On en est toujours là. Que dire encore d’autres moyens tels que le réescompte du portefeuille de la Banque, ou la création par celle-ci de bons à intérêt pour attirer les capitaux? On ne réfléchit pas que les capitaux qu’on aura employés à réescompter le portefeuille de la Banque n’existeront plus pour les fonctions qu’ils accomplissent aujourd’hui et pour