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représentans, l’autre moitié moins un n’en aura pas un seul. Pour arriver à une équitable représentation des minorités, les Anglais ont proposé différens systèmes dont deux sont appliqués déjà. C’est une preuve remarquable de l’amour du progrès qui anime l’Angleterre contemporaine que de voir une idée toute nouvelle, préconisée par quelques écrivains de l’école radicale, passer si promptement dans les lois et dans la pratique uniquement parce qu’elle paraît juste.

Le premier moyen employé pour représenter la minorité est celui du vote cumulatif. Voici en quoi il consiste : chaque électeur dispose d’autant de suffrages qu’il y a de candidats à élire, et il peut « accumuler » tous ses suffrages en faveur d’un seul d’entre eux. Supposez trois candidats à élire : dans le système français, la majorité les nommera tous les trois, et la minorité ne sera pas représentée. Avec le vote cumulatif, l’électeur, disposant de trois suffrages, peut inscrire sur son bulletin ou trois noms différens ou trois fois le même nom, et chaque nom inscrit compte pour un suffrage. De cette façon, le tiers des électeurs, en s’en tendant pour ne voter que pour un seul candidat, est assuré de le faire passer, et la minorité se trouve représentée. Le vote cumulatif a été admis l’an dernier, ainsi que le scrutin secret, dans les élections des comités scolaires (school boards), et, chose rare, il a donné des résultats qui ont satisfait tous les partis. Ce système avait été appliqué dès 1856 par un acte de la reine d’Angleterre, le Buatan warrant, dans certaines îles du golfe de Honduras, les Bay-Islands, érigées alors en colonie indépendante.

Le second moyen employé pour assurer la représentation des minorités n’est pas moins ingénieux. S’agit-il de nommer trois candidats, chaque électeur ne peut inscrire sur son bulletin que deux noms. La minorité, à moins qu’elle ne soit tout à fait insignifiante, peut donc avoir un représentant sur trois. Ce système avait été proposé par M. G.-L. Craik, professeur d’histoire au Queen’s college de Belfast ; il l’avait fait connaître en 1836 dans le Companion to the newspaper. Lors de la dernière réforme électorale en Angleterre, il a été adopté pour les élections de certaines villes qui ont plusieurs députés à élire, mais-il offre de sérieux inconvéniens.

Enfin il est un autre système plus compliqué, mais meilleur que les précédens, imaginé par M. Andræ en Danemark et par M. Hare en Angleterre, exposé et défendu en France avec talent par M. Aubry-Vitet. Il aurait pour résultat de donner à chaque opinion un nombre de représentans proportionnel au nombre de ses adhérens, ce qui est bien l’idéal du gouvernement représentatif.

J’ai cru devoir appeler l’attention sur ces intéressantes