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néral Serrano, duc de la Torre. C’était en quelque sorte le premier ban de la révolution ralliée à la royauté, et c’était le plus conservateur des ministères possibles en ce moment. Le ministère du général Serrano, qui a été l’inaugurateur de cette ère nouvelle, tombait faute d’une majorité suffisante dans les cortès, et il était remplacé, il y a quelques mois à peine, par un cabinet radical qui avait pour chef un homme qui a joué un certain rôle pendant la révolution comme président de l’assemblée constituante, M. Ruiz Zorrilla. C’était un pur cette fois. Au premier instant, M. Ruiz Zorrilla s’est donné certes beaucoup de mouvement, et a fait ce qu’il a pu pour entourer le roi Amédée d’une certaine popularité pendant un voyage à travers les provinces espagnoles ; mais il s’agissait toujours de se présenter devant les cortès, et c’est là que la division a éclaté dans le camp du radicalisme lui-même. Le président du conseil, M. Ruiz Zorrilla, a tenu obstinément à faire accepter comme président du congrès M. Rivero, démocrate de vieille date, qui a été un instant ministre de l’intérieur et qui s’est rallié au roi Amédée. Une autre fraction radicale a soutenu la candidature de M. Sagasta, qui a été ministre des affaires étrangères avec le général Serrano. C’est M. Sagasta qui a été élu à quelques voix de majorité, et le cabinet Ruiz Zorrilla a disparu ; il a été remplacé par un ministère dont le chef est l’amiral Malcampo, un officier de marine qui avec l’amiral Topete a eu une certaine initiative dans la révolution de 1868. C’est ce ministère qui dure encore, il est vrai qu’il n’a qu’un mois d’existence.

Pourquoi les radicaux espagnols se sont-ils divisés ? On ne le voit pas bien clairement. Les explications, les manifestes se sont multipliés, et plus on s’est expliqué, plus la division s’est envenimée ; tous les essais de réconciliation n’ont abouti jusqu’ici qu’à une rupture plus éclatante, si bien qu’à tous les partis qui existent déjà en Espagne sont venus s’ajouter deux nouveaux partis, les zorrillistes et les sagastistes. Tout ce qu’on peut distinguer, c’est que M. Sagasta et ses amis inclineraient plus volontiers vers les conservateurs, tandis que M. Ruiz Zorrilla, tout en continuant à se dire dynastique, tient à ne pas se brouiller avec les républicains. Quant à l’amiral Malcampo, il reste en équilibre entre les deux camps avec son cabinet, qui, lui aussi, veut être un cabinet radical et qui acertainement depuis quelques jours l’existence lapluslaborieuse, la plus disputée. Il est appuyé par M. Sagasta et ses amis, il est combattu ou tout au moins fort menacé par les radicaux, dont M. Zorrilla est le général. Ce qui est curieux, c’est que cette guerre contre le cabinet Malcampo ne s’est point engagée directement, elle s’est poursuivie à la dérobée en quelque sorte dans deux discussions d’un ordre presque théorique. La première de ces discussions n’a pas duré moins de trois semaines, elle avait trait à l’Internationale, qui a trouvé des défenseurs dans le congrès espagnol, qui a été aussi fort éloquemment combattue