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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/716

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par des jurisconsultes et des orateurs éminens tels que M. Alonso Martinez, M. Rios Rasas, par le gouvernement lui-même. Il s’agissait au fond de savoir si l’Internationale était protégée par l’article de la constitution qui garantit les droits individuels, ou si elle tombait sous le coup des lois pénales ordinaires. Le gouvernement, qui n’admet pas la légalité de l’Internationale, est sorti victorieux de ce premier débat ; il se croyait déjà en sûreté lorsqu’une discussion nouvelle est venue lui ménager un autre piège. Il s’agissait ici encore des garanties individuelles réclamées pour les jésuites et pour la société de Saint-Vincent-de-Paul, qui, au commencement de la révolution, ont été frappés d’un décret de suppression sommaire. Pour le coup, il y a eu une séance des plus vives, qui a duré un jour et une nuit, qui n’a fini qu’à sept heures du matin. Le gouvernement a été battu, et ce qu’il y a de tout aussi curieux que la nature même de ces discussions successives, c’est que dans les deux cas ce sont les conservateurs qui en se déplaçant ont fait et défait la majorité. Ce sont les conservateurs qui ont aidé à la victoire du gouvernement dans le vote sur [’Internationale malgré l’abstention de M. Ruiz Zorrilla et de ses amis, ce sont les carlistes qui en se coalisant avec les républicains ont aidé à sa défaite dans l’affaire des jésuites. Cette fois du moins on croyait en avoir fini avec le ministère, et M. Zorrilla se croyait déjà près de reprendre le pouvoir ; mais ici survenait une péripétie nouvelle. A la fin de cette séance de dix-huit heures qui se terminait par un vote hostile, l’amiral Malcampo se levait tranquillement pour lire un décret de suspension des cortès.

Maintenant qu’arrivera-t-il de toutes ces péripéties parlementaires ? Les dernières discussions ont laissé voir dans le congrès de Madrid un tel morcellement de partis et de telles animosités entre les diverses fractions radicales ou progressistes, qu’il est à peu près impossible de découvrir dans cette confusion les élémens d’une majorité. Il semblerait dès lors que la suspension des cortès dût conduire inévitablement à une dissolution ; mais, s’il y a des élections prochaines, est-ce le ministère Malcampo qui les fera ? Ces élections mêmes, en agitant le pays, ne donneront-elles pas des forces nouvelles aux partis qui ne dissimulent nullement leur hostilité contre la monarchie récemment fondée ? Ce résultat dépendra sans doute de ceux qui les dirigeront. Pour le moment, l’Espagne n’aura pas du moins perdu tout à fait à ces discussions sans issue sur l’Internationale ou sur les jésuites, et même à la suspension des cortès, puisque cette crise parlementaire a brusquement arrêté en chemin un projet qui pouvait porter un rude coup au crédit espagnol. Il ne s’agissait de rien moins que d’établir une taxe de 18 pour 100 sur la rente, sans excepter la dette extérieure. L’Espagne a besoin d’argent pour mettre son budget en équilibre, c’est possible ; mais le meilleur moyen pour elle de s’en procurer n’est point assurément de se fermer les prin-