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remplacé les armes sur les frontières de l’empire. Théodose s’était rendu tributaire des barbares pour obtenir une paix toujours marchandée, et d’autant plus fragile qu’elle coûtait plus cher. La politique romaine, encore fière et digne sous Théodose Ier ne connaissait plus sous son petit-fils que la ruse, la perfidie, l’assassinat au besoin, seule science à la portée des gardiens de gynécée, parmi lesquels il choisissait ses ministres. Et pourtant jamais plus formidable coalition de barbares n’avait menacé le monde romain et la civilisation : Gerséric était à Carthage, et Attila sur les bords du Danube.

À l’intérieur, sous ces dynasties successives d’eunuques par lesquels on pouvait compter les années de ce règne, il ne restait plus aux villes qu’une apparence trompeuse de prospérité, et la misère régnait dans les campagnes. Les impôts étaient écrasans, et toute la substance de l’état passait d’un côté aux mains des barbares qui vendaient la paix, de l’autre en divertissemens publics et en spectacles, car Théodose, si économe et si réservé dans son enfance, était devenu fou du théâtre et des combats de bêtes féroces. On raconte qu’un roi indien ne crut pas, sur sa réputation, lui pouvoir offrir de cadeau plus agréable qu’un tigre privé, dont Théodose II fit son compagnon, comme Valentinien Ieravait fait jadis de l’ours Mica qui mangeait à sa table, mais la ressemblance des deux princes s’arrêtait là.

Les bons ou les mauvais ministres se suivaient à de courts intervalles d’après les révolutions domestiques du palais. Si les eunuques triomphaient dans l’esprit du prince, l’empire le ressentait aussitôt par les détestables fonctionnaires qu’on lui imposait ; mais lorsque cette influence fatale faisait place à celle de l’impératrice Eudocie, ou même à colle de Pulchérie, qui se relevait encore de loin en loin, des intermittences de bonne justice administrative et de calme venaient rendre quelque vie aux provinces. L’histoire nous a conservé le nom du ministre Cyrus, arrivé au timon des affaires par la faveur d’Eudocie. C’était ce même Égyptien, poète distingué, dont nous possédons encore quelques pièces de vers, et qu’Athénaïs avait admis dans la familiarité de ses relations littéraires ; le caractère de l’homme et ses mérites divers avaient fait le reste. Cyrus était devenu préfet de la ville, consul et patrice. Modeste et intègre autant que savant, l’Égyptien ne se laissa pas éblouir par l’élévation et la soudaineté de sa fortune. « Ma prospérité est trop grande, disait-il à l’instar des anciens sages, elle me fait peur. » L’empire dut à cet excellent ministre quatre ans d’une administration qui rappela celle d’Anthémius, et Constantinople d’utiles travaux qui le rendirent populaire. Ainsi il rebâtit durant sa préfecture plusieurs quartiers de la ville ébranlés ou détruits par des tremblemens de