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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/757

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tions, soit autrement, et il y logeait avec quelques ecclésiastiques de Flavien. Mal en prit à l’évêque hospitalier, car le soir même de l’arrivée d’Eusèbe une troupe de trois cents individus, moines, gens de la lie du peuple et soldats, voulurent forcer l’évêché en criant que c’était l’auberge des ennemis de l’empereur. Etienne s’en tira pour cette fois on ne sait comment, mais on lui réserva un second coup qu’il ne sut pas parer. Les parabolans de Dioscore et les moines assommeurs de Barsumas, cantonnés dans la ville comme des troupes d’occupation, se vantaient d’avoir été appelés par l’empereur lui-même pour montrer leur bravoure aux hérétiques nestoriens.

Le lundi 8 août, la session s’ouvrit dans la même église de Marie où avait été prononcée la condamnation de Nestorius, suivie de son exil et de sa mort. Dioscore prit place sur un trône élevé où l’on montait par plusieurs gradins ; ce détail est nécessaire pour expliquer quelques-uns des faits de cette histoire. La seconde place fut assignée au chef de la légation romaine, Jules, évêque de Pouzzoles ; les deux autres légats, Dulcitius et Hilaire, qui n’étaient que prêtre et diacre, allèrent siéger à l’extrémité, après les évêques. Juvénal de Jérusalem, vice-président nommé par l’empereur, occupa la troisième place, et le patriarche d’Antioche, Domnus, la quatrième ; l’archevêque de Constantinople n’eut que la cinquième. Jules prit la parole pour expliquer sa présence. « Le saint pape Léon, convoqué par l’empereur, l’avait investi de son mandat, » commença-t-il à dire. Il parlait en latin, et, comme un grand nombre d’évêques du concile n’entendaient pas cette langue, on fit approcher Florentius, évêque de Lydes, pour lui servir d’interprète. Quand il eut fini, le diacre Hilaire prit à son tour la parole par le même interprète. « Notre bienheureux évêque Léon serait venu en personne à cette sainte assemblée, dit-il, s’il en avait eu quelque exemple de la part de ses prédécesseurs ; mais vous savez que le pape n’a assisté ni au concile de Nicée, ni à celui d’Éphèse, ni à aucun autre semblable : c’est pourquoi il nous envoie le représenter, et nous arrivons porteurs d’une lettre qu’il vous écrit et dont nous vous prions d’ordonner la lecture. — Que l’on reçoive donc la lettre écrite au saint concile par notre très saint frère Léon, » dit Dioscore en prenant la pièce dans ses mains ; mais, au lieu de la lire, le protonotaire, sur un signe de Juvénal, entama la lecture d’une lettre de l’empereur, ordonnant l’admission de l’archimandrite Barsumas parmi les évêques. Les officiers impériaux discoururent sur ce sujet, et la lettre du pape fut mise de côté.

C’était un jeu convenu entre ces personnages pour éluder uns communication qu’ils redoutaient, car ils devinaient aisément, d’après les dispositions bien connues de Léon, que sa lettre devait