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elle avait mis au jour sur le mystère de l’Incarnation une définition qui ne se trouvait pas dans le symbole de Nicée ; elle eût également condamné son président Cyrille, son guide et l’inspirateur de toutes ses résolutions. L’interprétation de Dioscore était donc évidemment fausse, mais nul des évêques n’osa élever la voix dans la crainte d’attirer sur lui l’arme qu’on faisait luire aux yeux de tous comme une menace. Il était difficile en effet que, depuis dix-sept ans que le décret était rendu, un des évêques présens, et Dioscore peut-être tout le premier, n’eût pas fait une exposition de foi dont les termes différassent en quoi que ce fût des termes de l’exposition de Nicée.

« Vous avez entendu le décret, reprit Dioscore après avoir achevé son commentaire, notre devoir y est tracé, et celui de nous qui aurait altéré d’une manière quelconque la formule de Nicée a encouru volontairement la déposition. Le concile ne le pense-t-il pas comme moi ? Que chacun de vous opine, afin que son avis soit inséré aux actes. » Ignorant sur qui le coup devait frapper, Thalassius éluda la difficulté en disant qu’il suivait les conciles de Nicée et d’Éphèse, et qu’il détestait quiconque enseignait quelque chose de contraire à leurs prescriptions. La plupart des évêques opinèrent de la même façon en se tenant dans des généralités qui n’engageaient en rien leur opinion sur un fait particulier ; mais Dioscore interpréta leur vote comme affirmatif. Uranius d’Himères anathématisa quiconque oserait dire ou rechercher quelque chose hors du symbole de Nicée, et l’exarque d’Éphèse dit qu’il condamnait toute exposition en dehors de ce qui avait été défini : ceux-là prêtaient plus directement main forte à Dioscore. Jules de Pouzzoles, premier légat du pape, assura que le sentiment de l’église romaine ne différait pas de ceux qui venaient d’être exprimés, et le diacre Hilaire ajouta : « Vous le verrez dans la lettre de notre très saint évêque Léon, dont je requiers la lecture ; » mais sa nouvelle réquisition n’eut pas plus de succès que les autres. Les voix comptées, le président déclara que le concile était d’avis que le décret fût appliqué ; il fit approcher un des notaires, et celui-ci lut une sentence de déposition contre l’archevêque Flavien et l’évêque de Dorylée, Eusèbe.

Dioscore, au nom duquel la sentence était rendue, la fondait uniquement sur le décret d’Éphèse, prétendant que la défense de rien dire ou rechercher sur la foi hors de l’exposition de Nicée avait été violée : d’abord par Flavien dans la déclaration dogmatique par laquelle il avait ouvert le concile de Constantinople, ensuite par Eusèbe pendant tout le cours des débats. Il y avait ajouté quelques mots sur les scandales que ces deux évêques avaient donnés à l’église en changeant et bouleversant tout suivant leur caprice ; mais le principal grief était d’avoir contrevenu à l’interdiction du décrût d’Éphèse. « Il est clair, disait la sentence, qu’en agissant comme ils