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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/764

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l’ont fait, ils se sont soumis de leur plein gré aux peines ordonnées par nos pères. C’est pourquoi, confirmant les décisions d’Éphèse, nous avons jugé que les susdits, Flavien, autrefois archevêque de Constantinople, et Eusèbe, évêque de Dorylée, sont privés de toute dignité sacerdotale et épiscopale. » La lecture fut faite au milieu de la consternation des uns, de la joie des autres. Quand elle fut achevée, Dioscore dit au concile : « Il vous reste à donner, tous individuellement, votre avis sur la sentence afin qu’il soit inséré aux actes, et sachez que l’empereur sera informa de tout ce qui se passe aujourd’hui. » En ce moment, Flavien se leva de son siège et dit d’une voix forte : « J’en appelle. » Puis il tendit à un des légats, l’évêque de Pouzzoles probablement, lequel était le plus voisin de lui, ses tablettes, sur lesquelles il avait tracé rapidement la formule d’un recours au pape et aux évêques d’Occident. Le diacre Hilaire, se levant à son tour, prononça au nom de l’église romaine le mot contradicitur (on s’y oppose), et le mot latin fut inséré dans les actes grecs.

On passait aux opinions, et déjà Juvénal de Jérusalem prenait la parole, lorsqu’un tumulte sans exemple éclata dans l’assemblée. Onésiphore d’Icone, Marinianus de Synnades et Nunecius de Laodicée en Phrygie, coururent à l’estrade où siégeait le président, et, embrassant ses genoux à la manière des supplians, ils le conjurèrent de réfléchir à ce qu’il faisait. « Flavien, disaient-ils, n’a pas mérité une déposition, il n’était pas coupable pour avoir condamné un de ses prêtres (car personne ne se méprenait sur la vraie raison de la sentence) ; lui-même, Dioscore, n’avait-il pas des prêtres qu’il pouvait être obligé de condamner quelque jour ? » Basile de Séleucie, qui s’était joint aux premiers, le conjurait de ne point offenser le sentiment de toute la terre. « J’ai fait mon devoir, s’écriait Dioscore en les repoussant, et, quand on devrait me couper la langue, je ne dirai pas autre chose que ce que j’ai dit. » Les évêques insistaient, le serrant toujours de leurs bras, et d’autres encore accouraient pour voir ce que signifiait cette scène. Dioscore, soit qu’il eût peur de quelque complot contre lui, soit qu’il songeât uniquement à se dégager, se dressa tout à coup sur l’estrade, et d’une voix animée par la colère : « Qu’est-ce que cela ? dit-il, je crois que c’est une sédition ! Où sont les comtes ? » Les comtes Elpidius et Eulogius étaient là et accoururent à son appel ; puis, le supposant en péril, ils firent ouvrir à deux battans les portes de l’église, et appelèrent à leur tour le proconsul Proclus. Celui-ci se précipita dans l’enceinte avec une troupe de soldats, les uns armés de leurs épées nues ou de leurs lances, les autres portant des chaînes comme s’il y eût eu des criminels à emprisonner. Conduits par leur chef vers l’estrade du président, ces hommes se jetèrent sur les évêques qui conti-