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les airs, les uns couverts d’écailles, les autres ornés de plumes. Forcé de renoncer aux argumens tirés de l’anatomie, qui sont déterminans pour les naturalistes, je trouve dans la paléontologie des preuves plus frappantes pour la majorité des lecteurs. Les calcaires lithographiques de Solenhofen nous ont conservé les empreintes d’un oiseau (archœopterix lithographica) qui présente une analogie bien frappante avec les reptiles : ceux-ci en effet ont la colonne vertébrale prolongée en forme de queue; chez les oiseaux, elle se réduit à quelques vertèbres, dont les dernières sont soudées en une seule plaque osseuse pour recevoir les plumes caudales. Chez l’archœopterix, la queue des reptiles persiste encore, et se compose de vingt vertèbres portant chacune deux fortes plumes de chaque côté. La queue existe d’ailleurs chez les embryons des autres oiseaux, nouvelle preuve que cet organe, atrophié chez les adultes, est un héritage des reptiles, leurs ancêtres géologiques.

Dans les mammifères, les preuves de la filiation entre ces animaux supérieurs et leurs prédécesseurs immédiats surabondent. Ainsi on sait que l’ornithorhynque et l’échidné actuellement vivans comblent la profonde lacune qui semble exister entre les mammifères et les oiseaux. De même les animaux du continent australien, les marsupiaux, ainsi nommés parce qu’ils allaitent leurs petits dans une poche située au bas du ventre, présentent tous les types qui apparaîtront plus tard chez les mammifères supérieurs dont ils semblent préparer l’avènement. Dans la série des terrains, les mammifères les plus anciens qu’on ait découverts jusqu’ici sont également des marsupiaux, et, si on considère dans leur ensemble la faune et la flore tout entières de l’Australie, on acquiert la conviction que ce continent appartient à une création antérieure à la nôtre. Semblable aux régions polaires, où l’époque glaciaire persiste encore actuellement après avoir régné sur une portion considérable de la surface terrestre, l’Australie, comparée à l’ancien continent, nous donne le spectacle instructif de deux époques géologiques différentes qui coexistent simultanément au lieu de se succéder dans la série des temps[1].

Parmi les mammifères, la tribu des pachydermes, représentée par les éléphans, les tapirs, les rhinocéros, les cochons et les chevaux, semble complètement isolée, et contraste par l’étrangeté de ses formes et son organisation exceptionnelle avec les autres quadrupèdes. L’étrangeté des formes provient de ce que cette classe a surtout été développée à l’époque des terrains tertiaires et quaternaires; c’est, à proprement parler, une classe d’animaux fos-

  1. Voyez à ce sujet notre étude sur les Glaciers actuels et la période glaciaire, — Revue des 15 janvier, 1er février et 1er mars 1867.