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différens ordres de crustacés se rattachent les uns aux autres pour venir aboutir au tronc commun à la base duquel se trouve le nauplius.

Peut-être à la rigueur les anciens zoologistes se seraient-ils familiarisés avec l’idée que les animaux d’une même classe pouvaient se ramener à un même type; mais les quatre grands embranchemens du règne animal, zoophytes, annelés, mollusques et vertébrés, leur ont toujours paru séparés par des barrières infranchissables. Des recherches et des découvertes nouvelles ont permis de reconnaître des formes de passage qui les unissent, des êtres intermédiaires qui les relient réciproquement entre eux. Longtemps on ne connut aucune transition entre les vertébrés inférieurs, représentés par les poissons tels que les cyclostomes ou lamproies, et l’embranchement des invertébrés. Un petit animal, caché dans les sables de la mer et ressemblant à une lancette, offre l’exemple d’un degré de plus dans la dégradation du type vertébral. L’amphioxus ne possède ni cerveau ni colonne vertébrale, il n’a qu’une moelle épinière et la corde ligamenteuse qui l’accompagne dans l’état embryonnaire des vertébrés. Une ouverture buccale distingue seule l’extrémité antérieure de la postérieure; l’amphioxus est donc un vertébré réduit à sa plus simple expression et pourvu seulement de la moelle épinière, qui caractérise l’embranchement tout entier. D’un autre côté, M. Kowalewski a montré que les larves des ascidies, animaux appartenant à l’embranchement des mollusques, étaient pourvues d’une colonne vertébrale qui disparaît quand l’animal se fixe sur un rocher, et devient une espèce de masse informe dans laquelle on a de la peine à reconnaître un être vivant. Il serait téméraire de déduire de ces faits que les vertébrés sont issus des mollusques; mais, combinés avec d’autres considérations, ces faits semblent annoncer que les deux embranchemens ont une origine commune dans la classe des annelés vermiformes.

Les vertébrés se divisent en poissons, amphibies nus, reptiles, oiseaux et mammifères. Entre tous ces ordres, les zoologistes ont depuis longtemps signalé des transitions qui témoignent qu’on peut, malgré des différences extérieures très accentuées, les ramener à un type commun. Ainsi les sirènes et les prêtées forment le lien naturel qui unit les amphibies aux poissons. L’embryologie confirme cette donnée, puisque dans leur jeune âge les batraciens (grenouille, crapaud, salamandre) sont à l’état pisciforme sous le nom de têtards. Entre les vrais reptiles (lézards, tortues, serpens) et les oiseaux, il semble qu’il n’y ait aucun lien commun. Cependant déjà de Blainville, guidé par des considérations anatomiques, avait affirmé l’étroite connexion qui unit ces deux ordres d’animaux si différens à nos yeux, — les uns rampant sur le sol, les autres s’élevant dans