Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/816

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LES
ORIGINES DU GERMANISME

I.
LA GERMANIE DE TACITE. — DE L’AUTORITÉ ET DE LA VALEUR HISTORIQUE DE CE LIVRE.

On a beaucoup cité dans ces derniers temps la Germanie de Tacite. Les historiens futurs établiront-ils une sorte de comparaison entre les récens triomphes de la Prusse sur des nations d’une culture antique et brillante — et les victoires que remportèrent jadis les tribus de Germanie sur les peuples de l’empire romain? Diront-ils que de notre temps l’on vit une fois encore d’un côté l’excès de civilisation entraîner la décadence, et de l’autre une jeune barbarie mériter par ses vertus de changer la face de la terre? Il dépend de nous que la première sentence ne soit pas prononcée, et, quant à la seconde, la postérité ne manquera pas d’être édifiée sur les vertus des nouveaux barbares. Quoi qu’il en soit, dans le nouveau procès historique que prétendent engager certains sages, le livre de Tacite sur les Germains est la première pièce à consulter. Les Allemands, suivant leur habitude, invoquent, en les forçant, les témoignages de l’histoire et de l’érudition; peu s’en faut qu’ils ne se disent les uniques descendans et héritiers de ces peuples germaniques dont Tacite a dépeint les mœurs et dans lesquels Rome a trouvé ses vainqueurs, comme si les institutions et le génie germaniques ne s’étaient pas communiqués à beaucoup d’autres peuples, qui ont ensuite, avec l’aide et au nom de la civilisation classique et du christianisme, énergiquement contribué à faire entrer l’Allemagne