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nous révèlent chaque jour entre les peuples des affinités qu’on ne soupçonnait pas naguère: nous avançons peu à peu dans l’examen d’importans problèmes religieux ou sociaux. Or mieux connaître à quel degré de développement les peuples germaniques étaient parvenus dès le temps de Tacite, c’est-à-dire au Ier siècle de notre ère, quelles tendances, quels instincts, quelles ébauches d’institutions les animaient alors, ce serait avoir fait un grand pas vers la solution de cet autre problème, à savoir quels élémens doivent être attribués à ces mêmes peuples dans la formation de nos sociétés modernes. La science allemande surtout, il faut le dire, ingénieuse, subtile, impatiente du repos, a multiplié ici les commentaires et les conjectures. En recherchant quels résultats une enquête si active a désormais obtenus, on montrera, par un utile exemple, de combien de ressources la critique de notre temps dispose pour l’étude des monumens antiques, et l’on fera mesurer à nouveau de quel prix incalculable est pour nous l’œuvre de Tacite. Cette œuvre nous manquant, nous n’eussions retrouvé qu’à grand’ peine le point de départ du germanisme, le lien primitif de tant de peuples destinés à se disperser dans toute l’Europe et à exercer, chacun à sa place, une influence que les circonstances ont pu rendre diverse, mais qui s’inspirait d’une communauté d’origine. Pour nous aider à commenter ce qui peut y subsister d’allégations obscures, nous pourrons invoquer des monumens très multiples. Il ne faut pas seulement interroger les lois barbares, ainsi que le développement des institutions féodales, où peuvent se discerner les traces originelles en dépit du mélange avec les idées et les institutions léguées par Rome. En dehors même de l’Allemagne, il y a des peuples qui ont conservé dans leur littérature certains traits particuliers du premier germanisme, toujours visibles au prix de quelque étude. Les sagas scandinaves, par exemple, offrent un commentaire perpétuel et direct de la Germanie de Tacite, parce que les Germains du nord, comme on peut les appeler, ont conservé longtemps intactes les institutions et les mœurs de leur nationalité primitive, tandis que ceux du centre ou du midi de l’Europe se voyaient enveloppés par la civilisation classique. Dans l’extrême nord, des états se sont fondés qui ont résisté plus longtemps encore que le sud même de la Scandinavie à l’invasion du christianisme, et c’est là précisément qu’ont été rédigés, codes et sagas, les monumens les plus précieux que ces peuples nous aient laissés. D’autre part, l’esprit anglais, dans sa profonde originalité, reproduit visiblement aussi quelques-uns des aspects les plus caractéristiques du primitif génie germanique; on peut s’en convaincre par un attentif examen des mœurs et des institutions de la Grande-Bretagne. On en aura encore une sorte de preuve d’un suprême intérêt, si,