Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/836

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Tacite prête aux Germains. Ces mêmes traits sont reproduits au XIe siècle par Adam de Brème, sans qu’on puisse distinguer d’après quelle source. Il faut la noble ardeur de la renaissance pour dissiper les nuages au moment où ils menacent de devenir impénétrables, au moment où une si grande partie de Tacite est déjà perdue sans doute pour toujours, au moment où il ne reste plus, suivant toute apparence, qu’un seul manuscrit pour la Germanie, ainsi que pour le Dialogue des orateurs et l’Agricola, joints au même ouvrage, — comme il n’en subsistait plus qu’un, ce semble, au XIe siècle, pour la seconde partie des Annales et ce qui nous reste des Histoires, comme il n’y en avait plus qu’un au milieu du XVe pour les premiers livres des Annales.

Dès la fin du XIVe siècle, on avait vu Pétrarque déployer un zèle enthousiaste à la recherche des œuvres de l’antiquité. Il envoyait des émissaires en Italie, en Allemagne, en France, en Espagne, en Grèce. Il avait la joie de retrouver les Institutions oratoires de Quintilien, une notable partie de la correspondance et plusieurs discours de Cicéron, mais non pas l’ouvrage des Choses divines et humaines de Varron, ni un recueil des lettres et épigrammes d’Auguste, qu’il avait cependant vus dans son enfance. Un de ses correspondans, Raimond Soranzo, lui avait envoyé le traité de la Gloire de Cicéron; mais Pétrarque eut l’imprudence de le prêter à son vieux maître Convennole da Prato, qui mit en gage le précieux manuscrit, et de la sorte le perdit probablement pour toujours. — Boccace dans le même temps n’était pas moins animé à la cause de l’érudition et des lettres. Bravant dégoûts et fatigues, il pénétrait dans les greniers vermoulus, dans les réduits délabrés des couvens, pour y chercher des manuscrits qu’il s’empressait de transcrire de sa propre main; il fit de précieuses découvertes dans la librairie abandonnée du Mont-Cassin. — A la suite de ces initiateurs dévoués, le Pogge déploya un pareil zèle. Il avait pour protecteur Niccolo Niccoli, riche citoyen de Florence, le même qui léguait en mourant une collection de huit cents manuscrits pour servir de bibliothèque publique, et qui, de son vivant, avait rempli le noble rôle d’un Mécène, comme le roi Robert de Naples, qui envoyait Bernard Barlaam en Grèce, comme le duc Galéas Visconti à Milan, comme Coluccio Salutati, chancelier de Florence, l’ami de Pétrarque, enfin comme les Médicis. Se rendant en 1414 à Constance, où le concile était réuni, le Pogge trouva au monastère de Saint-Gall une grande quantité de manuscrits qui moisissaient dans une sorte de cachot obscur et humide, où l’on n’aurait pas voulu, écrit-il, jeter un condamné à mort. Il revint en Italie, rapportant huit discours de Cicéron, le De finibus et le De legibus, un manuscrit de Quintilien meilleur et plus complet que celui de Pétrarque, une partie du poème de Lucrèce, Ter-