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tullien, etc. Il obtint encore un Ammien Marcellin et la première décade de Tite-Live. Il connaissait, — on ne peut dire comment et depuis quelle date, — la seconde partie des Annales et les livres conservés des Histoires. Pour nous aider à suivre l’infatigable activité de l’humaniste érudit, nous avons désormais de nouvelles portions de sa vaste correspondance publiées naguère par le cardinal Angelo Mai dans le curieux recueil intitulé Spicilegium romanum. C’est là qu’il faut le voir, sous les auspices de deux pontifes, d’Eugène IV, puis de Nicolas V, le fondateur de la bibliothèque vaticane, voyager au loin et entretenir de nombreux envoyés au dehors. Son plus cher vœu était de retrouver d’autres décades de Tite-Live. Ce fut pendant longtemps, c’est peut-être aujourd’hui encore un secret espoir de certains érudits de voir se combler quelqu’une au moins des lacunes qui déparent pour nous l’œuvre de ce grand historien. Les journaux ne publiaient-ils pas l’année dernière même qu’un professeur du gymnase de Liegnitz en Silésie venait de retrouver toute une décade, annonce qui eût fait grand bruit, si elle se fût vérifiée ? Mais les manuscrits de Tite-Live auront-ils été assez nombreux pour résister à tant de causes de destruction ? Un des amis de Chapelain, au XVIIe siècle, jouant à la paume, ne reconnaissait-il pas sur le parchemin qui recouvrait son battoir des fragmens inédits provenant de Fontevrau]t ? Le Pogge, il est vrai, pouvait concevoir au XVe siècle un espoir mieux fondé que nous ne saurions le faire aujourd’hui. Pour la découverte d’une décade, il promettait cent écus d’or ; certaines gens s’engageaient à rapporter des merveilles de Dacie, c’est-à-dire de Danemark[1]. On lui parlait également d’une copie de l’ouvrage de Pline l’Ancien sur les guerres de Germanie, et il n’y a pas lieu de douter que cette indication ne pût être authentique, puisque le savant éditeur des Monumenta Paderbornensia, l’évêque Ferdinand de Fürstenberg, rapporte plus tard, en 1669, qu’on connaissait de son temps deux manuscrits de ce livre, l’un dans la ville d’Augsbourg, l’autre à Dortmund. L’occasion fut toutefois perdue, au XVe comme au XVIIe siècle.

Au milieu de ces ardentes recherches, au mois de novembre 1425, le Pogge reçoit un jour d’Allemagne une liste de manuscrits où sont notées, dit-il, « diverses œuvres de Tacite encore inconnues. » À partir de ce moment jusqu’au commencement de 1429, il parle sans cesse, dans ses lettres adressées à Niccolo Niccoli, de ses pénibles négociations avec un moine du couvent d’Hersfeld, voisin de celui

  1. On sait que la langue latine du moyen âge appelait le Danemark Dacia, et ce dernier mot se traduit alors en français par le mot Dacie ou plutôt par le mot Dace. Pierre de Dace (de Dacia), c’est-à-dire Pierre le Danois, fut recteur magnifique de l’Université de Paris en 1326, et les étudians de Danemark à Pains y avaient dès 1275 un collège de Dace.