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de Fulde. Plus un mot ensuite sur ce sujet, bien que la correspondance continue ; peut-être l’explication de ce silence est-elle dans une nouvelle guerre des impériaux contre les hussites, qui se poursuit jusqu’en 1432. Le Pogge meurt en 1459, et aussitôt après sa mort nous trouvons la preuve intéressante et expresse qu’un manuscrit contenant la Germanie de Tacite, le Dialogue des orateurs et un ouvrage de Suétone vient d’être reconnu en Allemagne par les soins d’un certain Enoch d’Ascoli, et qu’il a été immédiatement copié par Jovianus Pontanus. C’est très probablement ce précieux volume que le Pogge recherchait depuis 1425 ; bien plus, il est permis de penser que c’est le même manuscrit qui se trouvait à Fulde au IXe siècle, et que nous avons vu mettre à profit par le moine Rudolf. Peut-être alors était-il plus considérable et contenait-il les cinq livres des Annales que le même moine avait consultés dans le même couvent : cette partie en aurait été détachée ensuite, de même que l’Agricola, qu’on voit paraître en Italie, on ne sait dans quelles circonstances, un peu avant la période de 1475 à 1480, date de l’impression[1]. Quant au manuscrit rapporté par Enoch, il se perdit promptement sans doute ; mais l’exemplaire de Pontanus est conservé aujourd’hui à la bibliothèque de Leyde. On y lit au verso de la première page, de la même main qui a écrit tout le volume, une note latine à l’encre rouge dont voici le sens : « Jovianus Pontanus a copié de sa main ces textes récemment découverts et rendus au jour par Enoch d’Ascoli, mais non exempts de fautes. » À cette note se trouve jointe une date précise : mars 1460. Les fautes auxquelles il est fait allusion peuvent être des incertitudes dans le texte de la Germanie, ou bien deux lacunes qui se rencontrent dans le Suétone et dans le Dialogue.

Qu’était-ce que Jovianus Pontanus ou Gioviano Pontano et Enoch d’Ascoli ? Le premier est bien connu à la fois comme humaniste et homme d’état, comme poète académique, historien, homme de guerre, diplomate, premier ministre et vice-roi de Naples. Quant au second, il paraît avoir été un de ces érudits que les zélés explorateurs de la renaissance employaient à la recherche des manuscrits. On devrait, pour restituer sa biographie, grouper autour de quelques sèches notices contemporaines des indications fort dispersées. Plusieurs lettres du Pogge le concernent ou lui sont même adressées ; quelques lettres écrites par lui-même ont été publiées dans le Spicilegium d’après les manuscrits de la Vaticane, qui en contiennent encore d’inédites. Élève de Philelphe en même temps qu’Ænéas Sylvius, devenu pape sous le nom de Pie II, Enoch semble avoir été d’abord précepteur à Florence dans la maison des Bardi et dans

  1. Ce manuscrit de l’Agricola est perdu et remplacé de nos jours par deux copies du XVe siècle, qui sont au Vatican.