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de secours, et il est curieux de voir avec quelle solennité cette mesure fut notifiée aux patrons. Un contrôleur-général des chemins de fer, nommé par la commune, saisit cette occasion pour adresser aux citoyens directeurs des compagnies une grave leçon de justice et d’égalité. « La répartition des secours, écrit-il, est la plupart du temps abandonnée à l’arbitraire ou à des influences plus ou moins justifiées. Le secours lui-même est une offense directe à la dignité du travailleur, une atteinte à sa moralité. La caisse de secours peut donc disparaître. Réintégré dans la plénitude de ses droits, le travailleur saura bien, par sa seule initiative, se garantir contre les éventualités de l’avenir. La révolution du 18 mars est assise sur une base inébranlable : la justice… L’arrêté du 27 avril est une des conséquences logiques de cette révolution. » Ajoutons à notre tour que la conséquence la plus claire de l’arrêté du 27 avril devait être de procurer une économie aux grandes entreprises, qui subventionnent ordinairement sur leurs propres fonds les caisses de secours mutuels organisées pour leur personnel. C’était ainsi que la commune protégeait les intérêts des ouvriers ; mais aussi quelle belle occasion pour exalter la dignité du travailleur, pour placer les grands mots d’égalité, de droit, de justice ! L’ouvrier n’était là qu’un sujet de déclamation.

L’économie politique de la commune va de pair avec la politique révolutionnaire. Celle-ci consiste à prononcer la déchéance de la bourgeoisie et l’avènement du prolétariat, lequel est représenté par les travailleurs. D’après la doctrine, la qualification de travailleurs appartient aux ouvriers qui vivent du travail manuel. Le bourgeois de 1789 a fait sa révolution ; il a fait ses affaires, il a fait son temps. Place au prolétaire ! La commune a l’ambition d’inscrire dans l’histoire du monde la date de l’émancipation politique, économique et sociale du travailleur. Sur ce point, elle s’est bornée à une déclaration de principes, c’est-à-dire à des phrases qu’elle n’a pas eu le mérite d’inventer et qu’elle n’a pas su rajeunir. Le langage de 1871 est copié sur les prospectus démocratiques de 1848, sans corrections ni variantes. Nous en avons déjà reproduit quelques échantillons, et il serait tout à fait superflu de discuter ces monotones redites. Il s’agit simplement de mettre en haut ceux qui sont en bas ; c’est un pur changement de dynastie. On peut cependant signaler une évolution qui s’est produite dans l’attitude du parti socialiste. Pendant longtemps, ce parti a fait profession de dédaigner l’action politique en réservant toutes ses forces pour la solution des problèmes qui intéressent directement le travail. Il invoquait plus volontiers les droits de l’homme que les droits du citoyen. Lorsqu’elle entreprit ses opérations, la Société internatio-