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avec la licence, à chérir la première, à détester la seconde, enfin à ne point séparer une ferme et vigilante opposition contre tous les excès du pouvoir d’un inviolable respect des lois[1]. »

Dans ses adieux adressés au peuple des États-Unis le 17 septembre 1796, il disait : « Favorisez comme un objet de première nécessité les institutions ayant pour but de généraliser la diffusion de l’instruction. Plus la forme du gouvernement donne d’empire à l’opinion publique, plus il est essentiel que l’opinion soit éclairée.» Déjà William Penn, le fondateur de l’état qui porte son nom, avait dit : « Ce qui permet de faire une bonne constitution est aussi ce qui la conserve, j’entends des hommes ayant de la vertu et de l’instruction, qualités qu’on n’hérite pas avec le sang, mais que les générations successives doivent se transmettre au moyen d’institutions pour lesquelles il ne faut reculer devant aucune dépense, et à propos desquelles on peut dire que tout ce qui est épargné est perdu. » De Franklin, de Madison, de Jefferson, de John Adams, de tous les hommes dont le nom a marqué dans l’histoire des États-Unis, on peut citer des paroles semblables, et ce n’étaient point de vains discours. Toute leur influence a été sans cesse employée à favoriser le développement de l’instruction publique. Il en est résulté que le premier article du credo politique des Américains et le plus universellement admis est celui-ci : le devoir le plus sacré et le plus grand intérêt de la nation est de mettre à la portée de tout enfant le degré d’instruction qui est indispensable pour remplir les devoirs du citoyen.

En Europe, on ne nie plus l’utilité de l’enseignement populaire depuis que de récens événemens sont venus montrer qu’il était indispensable même dans l’armée[2]. On vante volontiers les avantages qui en résultent, mais on agit comme si on n’en croyait rien. En Amérique, l’instruction populaire est le premier service de l’état, et jamais vous ne voyez les électeurs reculer devant les dépenses qu’il exige. Ici, nous considérons surtout l’enseignement comme un intérêt privé auquel le père de famille doit pourvoir; là-bas, on y voit un intérêt public de premier ordre dont l’état doit prendre soin. La pratique des institutions républicaines exige que tout homme, s’il est électeur, soit au moins capable d’émettre un vote réfléchi et

  1. Communication aux chambres, 8 janvier 1790.
  2. Ainsi en France des régimens ont manqué de sujets capables de tenir la comptabilité, comme le prouve la lettre suivante du maréchal Pélissier.
    « Sébastopol, 27 septembre 1855.
    « J’ai reçu votre lettre de ce jour, par laquelle vous me rendez compte de la pénurie complète du régiment des zouaves de la garde impériale pour ce qui est de sujets susceptibles de remplir les fonctions de comptables. »