Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/879

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

spontanément pour leurs écoles ne diminuent nullement les dons que les particuliers font pour le même objet. Nous n’avons guère d’idée en Europe, sauf peut-être en Angleterre, de ce genre de bienfaisance. L’Européen du continent donne très peu pour des objets d’intérêt public; il ne donne qu’en mourant et pour des œuvres de mort : comme au moyen âge, il fonde des lits dans un hôpital. L’Américain donne pendant sa vie et pour des œuvres de vie : il fonde des chaires, crée des académies, et ainsi sème pour l’avenir. Les anciens étaient prêts aux plus grands sacrifices pour leur patrie parce qu’en dehors d’elle il n’y avait pour eux ni sécurité, ni droit. Parmi les peuples modernes, il n’en est pas chez qui le sentiment patriotique soit plus puissant qu’aux États-Unis. L’Américain adore son pays, parce qu’il est fier de sa grandeur, qu’il veut y contribuer et qu’il s’imagine contribuer ainsi à la grandeur future de l’humanité. Le christianisme enseigne qu’il faut faire du bien à ses semblables. Certains croyans en ont conclu que le devoir de charité était rempli, si on faisait l’aumône aux pauvres, sauf à les laisser croupir dans l’ignorance. L’Américain, à qui son culte commande de chercher la vérité par lui-même, croit que, pour faire un bien réel à ses semblables, il faut les éclairer. Ainsi l’amour de la patrie et le sentiment chrétien sont la source de ces donations princières que nous admirons. Sans rappeler les libéralités de Peabody, qui, pour l’instruction seulement, se sont élevées à environ 20 millions de francs, citons quelques faits récens. Dans la seule année 1864, au sortir de la guerre civile, Yale-University reçoit plus de 2 millions de francs, et Cambridge une somme presque aussi considérable. L’année d’après, un citoyen de Cincinnati donne 2 millions pour deux collèges, l’un de garçons, l’autre de filles. Un brasseur de Poughkeepsie, M. Vassar, donne 2 millions pour une institution où les jeunes filles recevront une instruction supérieure aussi développée que celle des jeunes gens. M. Cornell, un ancien ouvrier, consacre 2 millions 1/2 à créer une université à Ithaca. Un citoyen de Mew-Haven y crée une école de dessin qui lui coûte 500,000 fr. A Boston, M. Bussey donne 880,000 fr. pour la faculté de droit, M. Philips 500,000 francs pour l’observatoire. A Boston, quelques particuliers veulent fonder un institut technologique : ils réunissent 250,000 francs, l’état leur accorde un terrain qui vaut 1 million; mais il faut constituer un fonds en rapport avec les besoins de l’institut. Aussitôt les souscriptions affluent : le docteur W. Walker donne 1 million, M. R. Huttingdon 250,000 francs, MM. Mason et Hayward chacun 100,000, et en deux ans on réunit un total d’environ 3 millions. Je cite quelques faits notés au pas- sage; les journaux en signalent presque chaque jour. Si aux Etats--