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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/88

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exorbitante à un citoyen nommé président pour quelques années ? N’est-ce pas lui procurer des facilités extraordinaires pour faire un coup d’état militaire que de lui remettre le commandement de l’armée et la disposition de tous les grades ? Avec une pareille concentration de pouvoirs, la république est impossible, et même une monarchie limitée ne le sera que de nom. Voulez-vous que le pouvoir exécutif sorte de l’élection ? Comme en Suisse, réduisez ses attributions. Faire élire un président qui a autant de pouvoir qu’un autocrate est un contre-sens.

Une immense hiérarchie de fonctionnaires superposés, dépendant tous complètement du chef de l’état, telle est la forme de gouvernement que nous ont léguée Rome et Byzance. C’est le despotisme même. En France, Louis XIV et Napoléon ont porté ce régime à sa perfection. Les peuples catholiques sont enclins à y voir la forme naturelle du gouvernement et la condition nécessaire de l’ordre, parce que c’est ainsi que l’église est maintenant constituée et gouvernée. Le dogme de l’infaillibilité est le couronnement logique du système, car un souverain ne peut réclamer l’omnipotence que s’il n’est pas soumis à l’erreur. Au moyen âge, dans les communes libres, beaucoup de services importans étaient confiés chacun à un comité de bourgeois disposant d’un fonds spécial ou d’une taxe spéciale et rendant compte de leur gestion au corps électoral. Le même système est encore suivi en Angleterre et en Amérique ; nous en avons vu récemment une application nouvelle en Angleterre dans l’organisation de l’enseignement primaire, dont l’administration est confiée à des bureaux scolaires directement nommés par les électeurs. Ainsi donc on trouve dans le despotisme la hiérarchie et dans les états libres la division et même le fractionnement des pouvoirs. En Amérique, ce n’est pas le bras de fer du pouvoir central qui maintient l’accord entre des autorités indépendantes, c’est la justice appliquant la loi, et ainsi ce sont les juges qui sont les régulateurs suprêmes de la machine politique.

Des ministres spéciaux élus par le parlement pour les trois départemens de la guerre, de l’instruction publique et des travaux publics pourraient rendre infiniment plus de services que des ministres de cabinet issus des luttes parlementaires et y restant mêlés. Le pays qui adopterait ce système ferait bientôt plus de progrès que les autres, et il pourrait être appliqué avec avantage même dans une monarchie constitutionnelle. On arriverait à restreindre l’omnipotence du pouvoir exécutif et par conséquent à prévenir les coups d’état.

Il est un autre moyen encore de tenir le despotisme en échec, c’est de séparer nettement ce qui est d’intérêt local de ce qui est