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LA
POESIE BRETONNE
PENDANT LA GUERRE

On sait que la Bretagne, « la terre de granit, » n’a pas marchandé son dévoûment pendant la malheureuse guerre de 1870-1871. Le courage des mobiles bretons à Châtillon, à l’Hay et en d’autres rencontres a été justement apprécié pendant le siège de Paris, et leur héroïsme modeste méritait d’autant mieux la louange qu’ils étaient parmi nous comme des étrangers qui ne parlaient pas notre langue[1]. Le nom de France personnifiait à leurs yeux l’idée de la patrie, et cette population énergique, à demi primitive par ses mœurs et par ses traditions, avait gardé en même temps cette simplicité et cette franchise qui font obéir sans murmure à la voix du devoir. Un jour viendra sans doute ou la Bretagne sera française de langue et de mœurs ; la centralisation, l’enseignement primaire exclusivement français, les relations avec le reste de la France, si fort multipliées par l’établissement des chemins de fer, tendent à faire disparaître toute originalité provinciale et à transformer la France entière en faubourgs de la bruyante capitale ; Il est permis de douter que cette assimilation soit un bien : les patriotismes locaux, qu’elle détruit peu à peu, n’affaiblissent en rien l’attachement à la grande patrie ; ce sont des centres de cohésion et de force qu’il sera peut-être difficile de remplacer. L’unité française, il est vrai, nous est d’autant plus chère que notre patrie est sortie mutilée d’une lutte déplorable ; mais il ne faut pas chercher cette unité dans une disci-

  1. On évaluait à 8,000 environ le nombre des mobiles bretons ne parlant pas la langue française, » Compte-rendu de ta Société bretonne d’assistance aux blessés et aux malades pendant le siège de Paris.