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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/933

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« De tous les côtés, de près, de loin, — accourez quand elle vous appelle ; — accourez comme des enragés — pour défendre votre mère dans sa détresse !

« Des méchans, nommés Prussiens, — veulent opprimer les Bretons, — tout brûler, tout détruire, et voler — jusqu’à la vache ou la chèvre du pauvre.

« Ah ! vous tous qui aimez la Basse-Bretagne, — qui aimez votre femme et votre enfant — et aussi la foi de vos pères — plus que l’or et les biens ;

« Accourez tous, accourez, — jeunes et vieux, même les femmes, — terribles comme des loups furieux, — pour défendre notre mère bien-aimée !

« Venez avec vos instrumens de travail — pour casser la tête à l’ennemi ! — Aux mains des hommes de cœur — qui parlent le breton,

« Tout est bon : pioche, pelle, — couteau, faucille, cognée, — fourche de fer ou penn-baz[1] ; — c’est avec ces armes que nos pères vainquirent.

« Venez, chacun avec son outil : — aux mains d’un Breton, un penn-baz — est une arme terrible. — Bâton au vent ! poussez des cris effrayans !

« Chaque matin, faites vos prières, — puis frappez, cassez des têtes, — sans aucun remords, comme des diables ; — ces gens-là ne sont pas chrétiens !

« Hommes vomis par l’enfer, — mourez tous ! Un jour vos os, — disséminés dans nos champs, — nous donneront force avoine et froment.

« Hélas ! il n’y a pas à dire, — il vous faut vaincre, si vous ne voulez — voir votre patrie, le beau pays de Bretagne, — passer aux ennemis de votre foi,

« Vos maisons incendiées et détruites, — vos chevaux et vos vaches enlevés, — car ils ne laisseront rien, — il vous faudra aller chercher votre pain !

« Oh ! songez bien à cela, — et dites-moi alors — s’il ne vaut pas mieux cent fois mourir — pour votre foi et pour la Basse-Bretagne !

« Debout donc, hommes de cœur ! — Marchez, chacun avec son outil, — combattez pour les vôtres et pour votre patrie, — et, si vous mourez, que votre mort sera belle[2] ! »

Pendant que Paris résiste à l’armée assiégeante par la force de l’inertie, que tombent Strasbourg et Metz, que l’armée de l’ouest

  1. Sorte de gourdin avec une espèce de boule naturelle à l’extrémité d’où le nom de « bâton à tête, » penn-baz.
  2. Cette poésie a été publiée dans le Lannionnais avec la signature Fanch Ar Moal, un pseudonyme, croyons-nous.