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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 décembre 1871.

Le retour de l’assemblée nationale, ce retour si impatiemment et si justement attendu, aura-t-il l’heureuse influence de dissiper tous ces troubles, ces équivoques, ces fantasmagories, que des passions implacables et d’incorrigibles frivolités s’obstinent à entretenir à la surface du pays ? N’aura-t-il au contraire pour conséquence que de perpétuer et d’aggraver ces agitations factices en leur donnant la forme de conflits parlementaires ? L’assemblée, en d’autres termes, se laissera-t-elle aller au courant des vaines excitations ou bien trouvera-t-elle en elle-même la prudence et la force nécessaires pour dégager la politique de la France de tout ce qui l’altère et l’obscurcit, pour ramener cette politique à ce qui nous intéresse véritablement, à la réalité qui nous presse et nous submerge de toutes parts ? La question est là, elle n’est que là aujourd’hui ; tout dépend de l’esprit qui prévaudra dans l’assemblée, de la manière dont on comprendra la situation et les intérêts du pays.

Le message par lequel M. Thiers inaugurait l’autre jour cette session nouvelle, et qui n’a peut-être étonné un instant que parce qu’il parlait à la raison au lieu de parler aux passions, ce message a un caractère essentiel : c’est l’exposé sérieux, minutieux et sincère de la condition laborieuse de notre patrie, des épreuves qu’elle vient de traverser, des difficultés qui lui restent à vaincre ; c’est l’acte courageux d’un patriote fidèle et infatigable qui est à la peine depuis dix mois, qui peut certes revendiquer l’honneur d’avoir été le premier ouvrier de cette reconstruction nationale, entreprise dans le double désastre de l’invasion étrangère et de la guerre civile, — qui sent lui-même que pour mener cette œuvre jusqu’au bout « il faut encore beaucoup de travail, de constance, de dévoûment. » Il y a dans ce message un mot singulièrement significatif et qui suffirait pour caractériser une situation. Au moment où, après avoir embrassé toutes les affaires du pays, M. le président de la république arrive à ce qu’il appelle le « sujet grave, délicat, brûlant, » à ce qu’on est convenu d’appeler plus particulièrement la politique, il