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1829, M. de Martignac, parlant de l’administration municipale, disait : « Les agglomérations d’individus, de familles, liées par les traditions de plusieurs siècles, par des habitudes non interrompues, par des propriétés communes, par des charges solidaires, par tout ce qui forme les associations naturelles, ne peuvent être détruites ni ébranlées. La commune, dans son existence matérielle, n’est point une création de la puissance, elle n’est pas une fiction de la loi : elle a dû précéder la loi ; elle est née comme conséquence du voisinage, du rapprochement, de la jouissance indivise et de tous les rapports qui en dérivent. La commune est le premier élément de la société. »

On ne saurait mieux dire, on ne saurait montrer avec plus de force qu’aucune comparaison n’est possible entre la commune et le canton. L’une a une existence de fait, l’autre ne pourra jamais avoir qu’une existence légale. La constitution de l’an III lui avait déjà donné cette existence, qui a été éphémère parce qu’elle ne s’appuyait sur aucune réalité. L’administration municipale de canton était composée d’un délégué de chaque commune ; un commissaire nommé par le gouvernement était chargé de requérir l’application des lois. Ces administrations cantonales réglaient les affaires de chaque commune. Il n’est pas question aujourd’hui d’un changement si radical. On ne parle plus d’annihiler la vie communale et de la transfuser dans le cadavre du canton ; on consent à laisser le cœur à gauche. L’administration municipale de canton se présente beaucoup plus modestement ; elle essaie pourtant de reparaître. Le rapport de la loi proposée en 1870 reconnaît que la constitution de l’an III avait dépassé le but ; mais les nouveaux projets de lois méritent le même reproche, et les premières propositions ont amené à leur suite des prétentions plus audacieuses. Nous avons en vue deux documens auxquels les noms dont ils sont signés donnent une certaine importance. C’est d’abord le projet de loi présenté par MM. de Barante et Waddington, puis le questionnaire adressé par M. Raudot, président de la commission de décentralisation, aux conseils-généraux. Le premier projet de loi avait été déjà élaboré dans la commission extra-parlementaire instituée par M. Émile Ollivier, sous la présidence de M. Odilon Barrot ; il n’a pas subi de grandes modifications et paraît se renfermer dans un cercle d’attributions secondaires. Le questionnaire de M. Raudot accuse des tendances plus radicales, qui se feront certainement jour dans la discussion de la loi.

Il faut, dit-on, un rouage intermédiaire entre le département et les communes ; l’arrondissement, auquel était dévolu ce rôle, n’ayant jamais acquis de personnalité bien caractérisée, il y a lieu de le faire disparaître par la création de divisions plus restreintes, moins