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en question ; ils exigèrent une participation pour les bourgeois à l’administration de l’évêché, voulant de plus qu’il fût défendu au clergé de faire concurrence par certaines industries aux gildes, réclamant enfin une foule de mesures qui dépouillaient l’église et tendaient à substituer la réforme à la religion catholique. C’est ainsi que leur programme portait que défense serait faite à l’évêque et au chapitre de lancer des excommunications. Les tribunaux ecclésiastiques devaient être abolis, la fondation de nouveaux couvens serait interdite, le nombre des religieux limité pour chaque monastère, l’administration des biens des maisons religieuses remise à des commissions laïques où les maîtres artisans seraient représentés, et qui, réservant le produit des biens aux pauvres, ne laisseraient aux moines et aux nonnes que le strict nécessaire. Chacun devait avoir la faculté de reprendre les immeubles qu’il avait aliénés aux maisons religieuses, sauf à en restituer le prix. Le chapitre de Münster souscrivit par peur à quelques-uns de ces articles, mais avec l’intention de ne rien tenir. A Osnabrück, les désordres furent plus graves. encore. L’évêque prit la fuite, et le conseil de la ville se trouva désarmé en face des corporations et de la populace, qui imposèrent leurs conditions.

A la fin de mars, le mouvement insurrectionnel avait pris un caractère singulièrement menaçant dans la Souabe et les contrées rhénanes. Hans Müller, de Bulgenbach, en était un des chefs les plus actifs. Vêtu d’un manteau rouge et coiffé d’un bonnet de la même couleur, il parcourait les villages, faisant appel à la révolte et suffi d’une nouvelle arche d’alliance, chariot entouré de feuillage et de banderoles sur lequel était placé l’étendard tricolore. Il colportait les douze articles, manifeste qu’avait adopté le peuple de cette partie de l’Allemagne, en faisait jurer l’exécution à ceux qu’il avait endoctrinés, organisant entre les diverses communes révoltées une ligue offensive et défensive qui devait, disait-il, imposer les douze articles par les moyens de la persuasion et sans tirer l’épée. Malgré ces assurances pacifiques, les actes de violence se multipliaient ; tout annonçait non une protestation, mais une lutte.

La situation de l’empire était alors des plus périlleuses. On craignait de ne point avoir des forces suffisantes à opposer à un soulèvement si général. La ligue de Souabe, qui avait déjà tant fait pour rétablir l’ordre matériel et mettre fin aux guerres privées, maîtresse de cette révolte de hobereaux des bords du Rhin et de la Franconie qu’on appela la guerre des nobles, avait congédié une bonne partie de ses troupes. Les armées impériales étaient retenues en Italie. de plus, le duc Ulrich de Wurtemberg, ce prince qui s’était montré si dur envers le pauvre peuple, songeait alors à faire alliance avec lui, afin de reconquérir les états dont l’empereur