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et la ligue l’avaient dépouillé ; il levait des mercenaires en Suisse, et, s’étant jeté par calcul du côté des réformés, il voyait maintenant venir à lui ceux qui naguère l’avaient expulsé. Les insurgés ne tardèrent pas à se grouper en trois corps principaux : le premier occupa l’Allgau, le second le bord du lac de Constance ; le troisième s’établit près de Leipheim, sur le Danube. Bien des princes et des seigneurs, en présence du grand nombre des révoltés, n’étaient pas éloignés de négocier. Ennemis du clergé et redoutant tout ce qui pouvait fortifier la puissance impériale, ils voyaient sans déplaisir les excès auxquels les paysans se livraient contre les prêtres et les couvens ; ils faisaient des vœux secrets pour qu’Ulrich rentrât dans ses états, dont la confiscation était venue accroître les domaines de la maison d’Autriche. Peut-être, si les insurgés eussent montré plus de modération, leur eût-on alors abandonné quelques concessions, heureux d’acheter la paix à ce prix ; mais les paysans ne voulaient rien retrancher de leurs prétentions, dont plusieurs étaient absolument inacceptables. La lutte dut donc se poursuivre. La ligue de Souabe réunit en toute hâte des soldats. Heureusement pour elle, les Suisses que le duc de Wurtemberg avait enrôlés refusèrent de marcher à l’instigation de leur gouvernement, qui craignait de se compromettre avec l’empire. Les insurgés étaient mal armés, mal commandés ; il ne régnait parmi eux aucune discipline. Attaqués près de Leipheim, le 4 avril 1525, les paysans furent complètement défaits, et le 14 suivant un autre corps de rebelles était taillé en pièces au sud d’Ulm, à Wurzach, après avoir opposé une vive résistance. L’honneur de cette victoire revint à George Truchsess de Waldburg, à qui la ligue de Souabe avait remis le commandement de sa petite armée. C’était un catholique fervent et un défenseur résolu des droits de l’empire ; il s’était déjà signalé en combattant la jacquerie qu’on appelait le Pauvre Conrad, et dans la guerre contre les nobles de la Franconie. Atteint lui-même dans ses propriétés par l’insurrection, il nourrissait contre les paysans un profond ressentiment ; aussi fut-il implacable pour les vaincus. Les chefs des rebelles tombés entre ses mains furent pendus. Les villes de Leipheim et de Günzburg, qui avaient prêté appui à la révolte, furent pillées par les troupes de la ligue.

Si c’était dans la Franconie et la Souabe que le gros des forces insurrectionnelles s’était réuni, les paysans des autres provinces n’étaient pas pour cela moins menaçans. Ceux de l’Odenwald avaient envahi les districts du Neckar et du Mein. La révolte s’étendit ensuite de la Franconie dans le Palatinat, les provinces du Bas-Rhin, la Hesse, l’Alsace ; elle gagnait là Bavière et l’Autriche ; il y eut même des rassemblemens tumultueux en diverses localités de la