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d’une pénalité le père qui violerait l’une des dispositions législatives. L’enfant était-il admis trop jeune, reçu sans un certificat d’école, négligeait-il ensuite jusqu’à douze ans de compléter son instruction, le père n’était en aucune façon responsable, le patron seul était mis en cause, poursuivi et passible d’amende. Ce fut encore par respect pour l’autorité du chef de famille qu’on borna l’action de la loi aux ateliers occupant plus de vingt ouvriers. Les premiers projets avaient proposé la surveillance générale des lieux où seraient employés de jeunes enfans ; on craignit encore une fois, en visitant les petits ateliers, de porter atteinte à l’inviolabilité du foyer domestique. On rencontrerait souvent un père travaillant au logis avec ses fils, et les obligeant à des journées trop longues, ou même à passer les nuits. Il faudrait le réprimander devant la famille, diminuer par là le respect filial. Pour se mettre en garde contre des fraudes, on devrait faire des recherches minutieuses, pénétrer dans toutes les parties du logement domestique. La loi recula devant la gravité de pareilles mesures, et borna sa surveillance. aux véritables fabriques.

D’ailleurs à cette époque les préoccupations générales s’attachaient surtout à la grande industrie. Le développement gigantesque des machines et la révolution qui en résultait dans la condition du personnel des manufactures frappaient tous les esprits. On ne voyait pas sans anxiété les populations quitter la vie saine des champs pour la dangereuse atmosphère des fabriques. Des tableaux douloureux étaient constamment mis sous les yeux du public. On décrivait non-seulement les abus qui se produisaient dans notre pays, mais on rappelait ceux que, depuis le commencement du siècle, les nécessités d’une ardente concurrence avaient fait naître en Angleterre, et on prédisait à la France le plus sombre avenir, si elle se laissait entraîner sur les traces de sa voisine. Ajoutons qu’il y a quarante ans l’organisation des manufactures au point de vue de la salubrité était bien plus défectueuse qu’aujourd’hui. « La science et l’industrie, dit M. Jules Simon[1], ont rivalisé de zèle pour assainir les fabriques ;… métiers, procédés, salles de travail, escaliers, dégagemens de toute sorte, tout est changé et amélioré dans une proportion surprenante : ce qui était étroit, sordide, horrible, est devenu vaste, aéré, régulier et d’une propreté pour ainsi dire brillante, car les fabricans ne sont pas moins fiers de la beauté de leurs établissemens que de celle de leurs produits. » À cette image flatteuse des fabriques d’aujourd’hui, le même auteur oppose la description des ateliers « sombres, encombrés de matières

  1. L’Ouvrier de huit ans, ch.III.