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ans, la journée de travail était de huit heures pour les enfans de huit à douze ans ; ceux de douze à treize ans ne seraient pas employés plus de soixante-neuf heures par semaine. La journée des femmes de devait pas dépasser douze heures par jour. Enfin la commission adoptait, — et c’était là une réforme capitale, — le principe de l’inspection salariée comme en Angleterre. Le gouvernement avait accepté ce projet, et la loi allait être votée au mois de février 1848, lorsque la révolution emporta la monarchie de juillet. Le décret du 2 mars et la loi du 9 septembre 1848, qui réglementaient la durée de la journée de travail des ouvriers en général, n’établirent aucune disposition spéciale pour les enfans. Sous l’empire, il fut plusieurs fois question de reprendre le projet de 1847. Une enquête fut commencée au conseil d’état ; le conseil général des manufactures émit un avis favorable au projet élaboré par le gouvernement de Louis-Philippe. Le seul résultat fut un décret du 7 décembre 1868, qui confiait aux ingénieurs des mines l’inspection des usines et le soin de faire exécuter la loi sur le travail des enfans. Par malheur, le personnel désigné pour ces fonctions ne pouvait pas les remplir utilement ; ce décret demeura lettre morte.

Aujourd’hui la loi de 1841 reste en vigueur, mais tout le monde reconnaît qu’elle n’est pas exécutée. Les renseignemens et dépositions recueillis sous l’empire jettent une pleine lumière sur les tristes conditions où se trouvent trop fréquemment les enfans employés dans certaines fabriques. Les rapports des instituteurs primaires citent des faits saisissans : ici des enfans de neuf ans travaillent au rouet douze heures par jour ; là on les emploie à un ouvrage au-dessus de leurs forces ou nuisible à leur santé. « On en fait des êtres étiolés et souffrans pour le reste de leur existence… ils n’ont de la vie que le souffle, et restent contrefaits à la suite d’un travail trop pénible… Les ivrognes, les libertins, les paresseux, envoient leurs enfans aux fabriques pour travailler moins eux-mêmes et boire davantage[1]. » Un fonctionnaire de l’université, qui s’est pendant dix ans occupé de l’inspection du travail des enfans, écrit en 1867 : « Dans l’espace de quatre ans, j’ai dressé une trentaine de procès-verbaux pour des faits scandaleux ou d’une cruauté inouïe. Le préfet a constamment arrêté les poursuites de peur de compromettre ses bonnes relations avec les grands manufacturiers de son département. Dans l’arrondissement de S…, j’ai trouvé des enfans de quatre à huit ans occupés à planter des allumettes chimiques dans les trous d’une planche destinée à les

  1. Bulletin de la Société de protection des apprentis, février 1872.