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partie de la journée au cabaret ou en promenade ; l’enfant demeure abandonné à lui-même ou suit le mauvais exemple du maître. Les traitemens brutaux, les procédés grossiers, sont plus fréquens là que dans les usines. Les peuples voisins l’ont bien reconnu, ils n’ont pas établi d’exception pour les petits ateliers. Pourquoi conserverions-nous une distinction inexplicable et fâcheuse ?

L’âge d’admission est dans le projet reculé de huit à dix ans. Dans les enquêtes faites sous l’empire, dit le rapport, la grande majorité des conseils-généraux s’est prononcée en faveur de cette limite. Les chambres de commerce ont émis un avis analogue ; un certain nombre ont même demandé qu’on exclût les enfans jusqu’à onze ou douze ans. C’est à douze ans que la limite est fixée en Allemagne, en Suisse, aux États-Unis. En se contentant de dix ans, le législateur ne peut donc pas être accusé d’exagération. L’enfant au-dessous de cet âge est encore bien jeune, ses forces physiques et intellectuelles sont à peine développées : l’excès de fatigue, le travail monotone de l’atelier peuvent arrêter sa croissance ; les deux années de liberté que la loi nouvelle lui accorderait de plus que celle de 1841 ne seraient assurément pas de trop. Aurait-il été possible de reculer la limite jusqu’à douze ans comme chez nos voisins ? Nous n’oserions l’affirmer. L’industrie a besoin de grands ménagemens ; la priver tout à coup d’une notable partie de son contingent de jeunes travailleurs serait assurément une mesure grave. L’intérêt des familles exige aussi que les transitions ne soient pas trop brusques. Pour notre part, nous ne doutons pas que dans un avenir peu éloigné le vœu général réclame impérieusement l’élévation du minimum d’âge d’admission. Pour le moment, la commission a peut-être été bien inspirée en réalisant une réforme modérée qui est un progrès sérieux et qui, sans les compromettre par une hâte intempestive, prépare des améliorations plus considérables.

Une innovation à laquelle on applaudira en général est la limitation de la journée de travail pour les enfans au-dessous de treize ans à six heures. La commission se place ainsi dans les conditions réalisées en Angleterre. On verrait disparaître la mauvaise division du temps établie par le législateur en 1841. On réclamait depuis longtemps l’application du système anglais du half-time, demi-temps. Le rapport dit que sur ce point l’accord des industriels consultés a été unanime.

Jusqu’ici, la commission se montre plus large en fait de protection que la loi de 1841 : élévation de l’âge d’admission, abréviation de la journée de travail, ce sont là deux mesures éminemment favorables à l’enfance. Nous touchons à un point où le nouveau