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l’autonomie locale, se seraient maintenus au sein des petites démocraties rurales indépendantes, et celles-ci se seraient unies par un lien fédératif, de façon à constituer sur la base de l’identité de la langue et des origines ethnographiques des nations organisées, comme le sont aujourd’hui les États-Unis. La féodalité, les aristocraties privilégiées, le despotisme monarchique, la centralisation administrative inaugurée au XVe et au XVIe siècle, ont été autant d’élémens perturbateurs. Maintenant l’organisation à laquelle tendent et aspirent les sociétés européennes est manifestement celle du towmhip américain et de la commune suisse, qui n’est autre que celle du pays des Ditmarschen et du val d’Andorre, c’est-à-dire celle qu’établissent spontanément les populations libres au début de la civilisation, et qu’on pourrait ainsi appeler naturelle. Aujourd’hui on trouve encore dans la Drenthe[1], en Néerlande, et dans la Westphalie, en Allemagne, la mark germanique non plus comme institution politique, mais comme institution agraire, et naguère les coutumes anciennes y étaient suivies, comme au temps de Tacite. Ces usages de l’époque patriarcale disparaîtront sans retour ; mais ce que les sociétés modernes peuvent emprunter aux communautés de village, c’est l’attention persévérante apportée aux intérêts communaux, l’esprit de fraternité et d’association, enfin l’aptitude au self-government.


IV

C’est en Angleterre surtout que le progrès de l’inégalité et la féodalisation de la terre se sont produits d’une façon régulière et complète. Il n’y a point à douter que primitivement la Grande-Bretagne n’ait été occupée par des communautés agraires semblables à celles de la Germanie. César nous apprend que les Bretons vivaient de viande et de laitage ; donc le régime pastoral prédominait, ainsi que le pâturage commun, qui en est la condition ordinaire. Comme on l’a VII, des traces nombreuses de la communauté

  1. J’ai donné dans mon livre l’Economie rurale de la Néerlande les détails concernant les forêts de la Veluwe possédées en commun, comme la mark ancienne, et administrées par une assemblée générale, maal-spraak, qui est le mallus des Francs. Dans la Drenthe, en 1828, il existait encore 110 marks comprenant 126,398 hectares ou la moitié de la province. Dans les villages de la Drenthe, on retrouvait naguère la cul-tare en commun des eschen, réglée par l’assemblée générale, la clôture obligée des champs de l’assolement, enfin toutes les coutumes primitives. Il est singulier que les acteurs allemands aient négligé cette source précieuse d’informations sur l’ancien régime agraire des peuples germaniques. En hollandais, il existe de nombreuses publications sur ce sujet, entre autres celles de deux écrivains distingués, les barons. Sloet tot Oldhuis.