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capitale. Cette permission accordée beaucoup plus tard, on se hâta d’en profiter. De retour sur la Grande-Terre en 1856, les deux membres de la mission de Londres, frappés de l’accroissement de la population de Tamatave, du nombre des maisons neuves construites par des négocians étrangers, surpris de trouver le gouverneur de la province assis dans un bon fauteuil, ravis d’avoir étonné les Malgaches avec un télégraphe électrique, s’acheminèrent enfin vers Tananarive. M. Ellis est un ami de la nature ; sur le trajet de Tamatave à Andouvourante, il remarque le caractère de la végétation, il admire l’aspect des lacs ; lorsque, tranquille dans son palanquin, il suit les sentiers des montagnes où les malheureux porteurs glissent sur l’argile détrempée, traverse la célèbre forêt d’Amalazaotra et le rude pays d’Ankova, plus que les précédens voyageurs, il note des observations. Tananarive est nécessairement l’objet d’une nouvelle description ; le visiteur esquisse ensuite le portrait du prince royal, Rakoto, qui doit être Radama II, un jeune homme de vingt-six ans, aux manières élégantes, portant l’habit et le pantalon noir, la cravate blanche et un gilet de velours brodé, s’informant de la santé de la reine Victoria et des dispositions des gouvernemens de France et d’Angleterre à l’égard de Madagascar. Ce n’était pas un barbare que ce prince, instruit par nos compatriotes MM. Laborde et Lambert ; il donnait de belles espérances. Aux officiers se présentant de la part de la reine pour s’enquérir des motifs du voyage de l’étranger, M. Ellis assure qu’il ne vient pas traiter d’affaires de commerce ; s’il a demandé la permission de monter à la capitale, c’est pour faire une visite d’amitié à la reine et au gouvernement et causer de choses relatives à la prospérité du royaume. La diplomatie de la Grande-Bretagne, on le voit, usait dans tous les temps des mêmes procédés. Le membre de la société protestante de Londres eut l’honneur de faire des excursions avec le prince et sa femme, accompagnés d’une suite vraiment royale. Admis d’une façon très solennelle à l’audience de la reine à la Maison-d’Argent, il exprima l’ardeur des sentimens d’amitié du gouvernement britannique pour la reine Ranavalona et son peuple. M. Ellis était un bon photographe, il intéressa singulièrement le prince royal et la princesse sa femme, tout charmés d’avoir des portraits d’une ressemblance parfaite, exécutés avec une pareille promptitude. La reine n’avait aucune prédilection pour cet art diabolique ; les personnes dont on avait l’image pouvaient bien en mourir, pensait-elle. La souveraine, on le sait, ne goûtait pas les innovations : un Français avait proposé d’établir un télégraphe électrique de Tananarive à Tamatave ; elle jugea que les relais de courriers valaient mieux. En quittant la capitale des Ovas, M. Ellis s’applaudissait de tout ce qu’il avait vu ; il croyait avoir dignement représenté