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l’Angleterre. Cependant, si l’on en croit certaines assertions assez bien justifiées, le révérend William Ellis avait par des insinuations malveillantes blessé le prince royal ; on l’accuse aussi, avec quelque fondement, d’avoir voulu dénoncer à la reine de Madagascar des Français et surtout un missionnaire catholique[1].

Le gouvernement de Ranavalona était exécré de la nation ; un ministre infâme, secondé par un complaisant collègue, s’était rendu odieux par des cruautés et des déprédations sans fin. Le prince Rakoto, navré de la misère du peuple, chargea un des résidens les plus honorés de Madagascar, son ami, frère par le serment du sang, M. Lambert, de solliciter le protectorat de la France ; la démarche n’eut pas de résultat. Dans l’espoir de perdre l’homme qui était devenu le fléau de son pays, d’obtenir l’abdication de la reine et l’élévation du fils, un complot s’ourdit en 1857 à l’instigation de plusieurs Européens ; ce complot déjoué par suite d’une dénonciation, les étrangers furent conduits à Tamatave et chassés de l’île ; — tout rentra dans le silence. La vieille reine meurt le 18 août 1861 ; encore une fois deux partis dans le palais se trouvent en présence : les amis des anciennes coutumes veulent donner le trône au neveu de Ranavalona ; les amis du progrès se prononcent pour le prince Rakoto, fils de la reine. Ces derniers l’emportent, Rakoto est proclamé roi sous le nom de Radama II. Le nouveau souverain de Madagascar envoya M. Lambert annoncer son avènement à l’empereur Napoléon III. Tout faisait pressentir que les relations des Européens avec la grande île africaine seraient désormais vraiment amicales, que le progrès du peuple ova sous le rapport de l’instruction, du perfectionnement des arts, du développement de l’industrie, allait recevoir une vive impulsion. M. Lambert, porteur de cadeaux de l’empereur pour le roi et la jeune reine de Madagascar, devait se trouver à Tananarive pour le couronnement de Radama II. Le capitaine Dupré, alors commandant de la division navale des côtes orientales d’Afrique, fut chargé de représenter la France à cette cérémonie. Le digne officier s’entoura de quelques hommes distingués et rendit sa mission profitable à la science[2] : le docteur Vinson a rapporté une série d’observations pleines d’intérêt sur le pays, sur des végétaux, sur plusieurs genres d’animaux[3] ; le père Jouen, de la compagnie de Jésus, en traçant un portrait flatteur de Radama et de la reine, devait annoncer les succès de la mission catholique[4].

  1. Voyez Ida Pfeiffer, Voyage à Madagascar, et la notice de M. Fr. Riaux, placée en tête du volume.
  2. Trois mois de séjour à Madagascar, Paris 1863.
  3. Voyage à Madagascar au couronnement de Radama II, Paris 1865.
  4. Madagascar et le roi Radama II, par le révérend père Henri de Régnon. Paris 1863.