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d’électricité négative. On ne sait pas encore au juste comment se développe cette force diffuse et sourde. Les physiciens pensent qu’elle provient de la végétation et de l’évaporation des eaux. M. Becquerel a énuméré tout récemment un ensemble de raisons plus ou moins plausibles qui autoriseraient à croire que la plus grande partie de l’électricité atmosphérique a son origine dans le soleil ; cet astre la répandrait dans les espaces en même temps que la lumière. Quoi qu’il en soit, tant que le ciel est serein, ce fluide n’a aucune action manifeste sur les êtres vivans ; mais, lorsqu’il s’accumule dans les nuées et donne naissance aux orages, il produit des effets qui fournissent la plus démonstrative des preuves de l’influence que l’électricité exerce sur la vie. Les personnes tuées par la foudre présentent des aspects très divers. Tantôt l’individu foudroyé est tué raide, sur place, le mort restant assis ou debout, tantôt au contraire il est lancé à une grande distance. Parfois la foudre déshabille les victimes, détruit leurs vêtemens et laisse le corps intact, ou bien c’est l’inverse qui arrive. Ici les désordres sont effrayans : il y a déchirure du cœur et broiement des os ; ailleurs on constate une parfaite intégrité des organes. Dans certains cas, il y a flaccidité des membres, ramollissement des os, affaissement des poumons ; dans d’autres, on voit des contractures et de la rigidité. Quelquefois le corps du foudroyé se décompose avec rapidité, mais il peut aussi braver la putréfaction. Enfin la foudre, qui brise les arbres et renverse les murailles, semble ne produire que très difficilement des mutilations chez les animaux. Lorsque le tonnerre ne détermine pas la mort, il provoque du moins des accidens graves, parfois temporaires ; le plus souvent irrémédiables. Indépendamment des brûlures et des éruptions diverses qu’on remarque sur la peau des personnes frappées, celles-ci éprouvent assez souvent une sorte d’épilation générale fort bizarre ; elles sont atteintes de paralysie, de mutisme, de perversion des sens (surdité, amaurose), d’imbécillité. Bref, les ravages de l’électricité atmosphérique atteignent toutes les fonctions du système nerveux.

L’action des poissons électriques peut être rapprochée de celle de la foudre, puisqu’elle ne dépend pas davantage de notre industrie. Les commotions de la gymnote surtout sont formidables. Alexandre de Humboldt raconte qu’ayant mis les deux pieds sur un de ces poissons, qu’on venait de retirer de l’eau, il reçut une secousse si violente qu’il ressentit le reste du jour des douleurs dans toutes les jointures. Ces commotions renversent les bêtes les plus vigoureuses, et on est obligé d’éviter les rivières où les gymnotes se trouvent, parce que, lorsqu’on essaie de les traverser à gué avec des chevaux ou des mulets, ces derniers peuvent être