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tués par les décharges. Pour prendre ces poissons, les Indiens poussent dans l’eau des chevaux sauvages dont les piétinemens font sortir les gymnotes de la vase. Ces sortes d’anguilles jaunâtres et livides se pressent alors sous le ventre des quadrupèdes, les renversent presque tous et en tuent quelques-uns ; mais les poissons s’épuisent à leur tour, et il devient facile de s’en emparer au moyen de petits harpons. Les sauvages s’en servent pour traiter les paralysies. Faraday compare la secousse d’une gymnote, — qu’il eut occasion d’étudier, — à celle d’une forte batterie de quinze jarres. Quand on touche avec la main une torpille vivante placée hors de l’eau, on éprouve une commotion d’autant plus forte que la surface du contact est plus étendue. La secousse, qui se fait sentir jusque dans l’épaule, est suivie d’un engourdissement fort désagréable. On peut la faire subir à vingt personnes formant la chaîne, la première touchant le dos, et la dernière le ventre de la torpille. Les pêcheurs reconnaissent qu’il y a une torpille dans leurs filets quand, en jetant de l’eau à plein seau pour les laver, ils ressentent une commotion. L’eau conduit bien l’électricité, et c’est à travers l’eau que ce poisson tue ou engourdit les animaux dont il se nourrit.

Il existe, tout le monde le sait, d’autres sources d’électricité que les orages et les poissons. Les machines à frottement, les piles et les appareils d’induction fournissent trois sortes de courans qui agissent sur les fonctions de la vie, quelquefois d’une manière semblable, le plus souvent avec des différences marquées. Ces différences dans le mode d’action des divers courans n’ont été bien établies que de nos jours. L’action de l’électricité statique et de l’électricité d’induction, plus brusque et plus violente, est caractérisée surtout par des effets mécaniques tellement frappans qu’ils ont longtemps empêché les observateurs de suivre avec une attention suffisante les effets d’un autre ordre que produit le courant de la pile. Cependant ce dernier affecte en réalité d’une façon plus profonde les tissus animaux, et les phénomènes auxquels il donne lieu sont dignes du plus vif intérêt, aussi bien au point de vue de la théorie qu’à celui des applications.

Dutrochet a démontré par des expériences mémorables que, lorsqu’un tube contenant de l’eau gommée et fermé en bas par une membrane est placé dans un vase rempli d’eau pure, le niveau de l’eau gommée s’élève peu à peu par l’introduction graduelle de l’eau pure dans le tube. En même temps une certaine quantité de l’eau gommée intérieure se mêle à l’eau pure extérieure. Bref, il s’établit entre les deux liquides communiquant par la membrane un échange réciproque, et l’on constate que le courant qui va du liquide moins dense vers le liquide plus dense est plus rapide que le