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des corps ensanglantés, sujets seuls vraiment propres aux expériences. En janvier et février 1802, il profita de l’occasion de deux criminels décapités à Bologne, que le gouvernement s’empressa d’accorder à sa curiosité scientifique. Soumis à l’action de l’électricité, ces cadavres donnèrent un spectacle si étrange que plusieurs des assistans en furent épouvantés. Les muscles du visage se contractèrent en produisant d’horribles grimaces. Tous les membres furent pris de mouvemens violens. Les corps semblaient éprouver un commencement de résurrection et vouloir se lever. Plusieurs heures après la décollation, les ressorts de l’économie avaient encore le pouvoir de répondre à l’excitation électrique. Ure a fait à Glasgow des expériences non moins célèbres sur le cadavre d’un supplicié qui était resté suspendu au gibet pendant près d’une heure. L’un des pôles d’une pile de 270 couples ayant été mis en communication avec la moelle épinière au-dessous de la nuque et l’autre pôle avec le talon, la jambe, préalablement repliée sur elle-même, fut lancée avec violence, et faillit renverser un des assistans qui la maintenait avec effort. L’un des pôles ayant été placé sur la septième côte et l’autre sur un des nerfs du cou, la poitrine se souleva et s’abaissa, et l’abdomen éprouva un mouvement semblable, comme il arrive dans la respiration. Un nerf du sourcil ayant été touché en même temps que le talon, les muscles de la face se contractèrent ; « la rage, l’horreur, le désespoir, l’angoisse et d’affreux sourires unirent leur hideuse expression sur la face de l’assassin. À ce spectacle, plusieurs personnes furent forcées de quitter l’appartement, et un gentleman s’évanouit. » Enfin on provoqua des mouvemens convulsifs des bras et des doigts tels que le mort semblait désigner différens spectateurs.

Les recherches plus récentes ont précisé les conditions de cette influence de l’électricité sur les muscles. Les courans continus, appliqués directement sur ces organes, déterminent des contractions au moment de l’ouverture et à l’instant de la fermeture ; mais la secousse produite par la fermeture est toujours la plus forte. Tant que le courant continu passe, le muscle persiste dans une demi-contraction au sujet de laquelle les physiologistes ne sont pas d’accord. Sous l’influence d’excitations très fréquemment répétées et prolongées pendant un certain temps, les muscles entrent dans un état de contracture avec raccourcissement, analogue à celle qui caractérise le tétanos. Dans cet état, ainsi que l’ont démontré M. Helmholtz et M. Marey, le muscle éprouve un grand nombre de très petites secousses. La contracture est le résultat de la fusion de ces vibrations élémentaires qu’on ne distingue pas à l’œil, mais que certains artifices permettent de reconnaître et même de mesurer.