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Voilà donc pour beaucoup d’élèves l’unique résultat de sept ou huit années d’études ! Il faut avouer que la récolte est mince, qu’elle ne répond guère aux dépenses que font les parens et à la peine que se donnent les maîtres. De toutes ces connaissances imparfaitement acquises, rien ne doit rester dans-la vie ; le lendemain du baccalauréat, tout est oublié. Nos pères conservaient au moins une sorte de souvenir pieux de leurs études du collège ; ils relisaient volontiers les auteurs qu’ils avaient expliqués dans leur jeunesse, les délicats aimaient à citer Horace, les politiques retrouvaient tout dans Tacite ; les journaux à la mode, l’Almanach des Muses, le Mercure, la Décade philosophique, accueillaient avec grand plaisir des traductions en vers de Tibulle ou d’Ovide, et c’étaient les morceaux que le public aimait le plus à lire. On se souvient encore à la Sorbonne du cours que professait M. Lemaire, l’éditeur de la bibliothèque latine. Autour de lui se pressait un auditoire sympathique de gens de soixante ans qui venaient rafraîchir dans ses leçons les impressions de leurs jeunes années. Virgile surtout faisait leurs délices ; ils le savaient par cœur et voulaient toujours l’entendre expliquer. Quand le professeur commentait le quatrième livre, il cédait à son émotion, et tous ces vieillards fondaient en larmes. Ce ne serait peut-être pas aujourd’hui un bon moyen d’attirer la foule que d’admirer trop Virgile. Elle aime au contraire à entendre traiter légèrement ces idoles antiques dont elle est fort désabusée, et il est moins sûr, pour obtenir ses applaudissemens, d’en faire l’éloge que de s’en moquer. Non-seulement le collège aujourd’hui ne nous apprend plus à les connaître, mais il ne nous habitue pas à les aimer.

La décadence des études n’est donc que trop certaine ; elle est officiellement constatée par les rapports des facultés et par les lamentations des ministres, qui gémissent souvent, dans leurs circulaires, sur la faiblesse des examens du baccalauréat ; mais des lamentations, quelque touchantes qu’elles soient, ne guérissent rien, et le mal ne s’est pas arrêté depuis vingt ans. Sur qui faut-il rejeter la faute ? Ce n’est pas assurément sur nos professeurs : il n’est pas de pays où l’on exige plus de garanties de ceux qui se destinent à l’enseignement. Les concours qu’on a multipliés à l’entrée de la carrière n’y laissent pas pénétrer d’incapables ; les inspections, qui sont sévères et nombreuses, n’y permettent guère d’être négligent. Les professeurs font ce qu’ils peuvent, ils obéissent régulièrement aux instructions qu’ils reçoivent, et il serait tout à fait injuste de les rendre responsables du peu de succès de leurs leçons. Beaucoup de personnes en accusent le fond même de notre enseignement classique ; il leur semble que nous avons tort d’apprendre aux élèves les littératures anciennes et les langues mortes, qui ne leur servent de rien, qu’il faut les remplacer au plus vite par l’étude des sciences et des langues vivantes, et que notre éducation deviendra féconde quand