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L'ESPRIT REVOLUTIONNAIRE
ET LA
SOUVERAINETE NATIONALE


I

Récemment le sage peuple hollandais célébrait par des fêtes solennelles l’anniversaire de la prise de la Brille — date mémorable dans l’histoire de la révolution des Pays-Bas ; récemment aussi le parti démocratique français, dans des réunions et dans des banquets, fêtait l’anniversaire de la prise de la Bastille, début de la révolution française. Les esprits les plus sages ont sympathisé avec le premier de ces anniversaires, les esprits les plus libéraux ont élevé des doutes sur l’opportunité et l’utilité du second. D’où vient cette différence ? Nous ne sommes point de ceux pour qui toute révolution est illégitime, et qui contestent au peuple d’une manière absolue le droit de se défendre contre la tyrannie. Tous les plus grands peuples du monde ont eu des dates semblables à l’origine de leur histoire : Athènes ; Rome, la Hollande, l’Angleterre, l’Amérique. On ne peut donc contester à la France un droit que l’on reconnaît aux autres nations ; cependant, pour qu’une insurrection soit légitime, il faut qu’elle ne soit qu’une date de délivrance, non le signal de la révolte à perpétuité, — il faut qu’elle ait pour conséquence la paix et l’ordre, et ne soit pas le déchaînement illimité du droit de la force. Le jour où la France aura définitivement conquis des destinées paisibles et acceptera sans réserve le règne de la loi, elle pourra revenir sans danger aux souvenirs de son affranchissement, elle fêtera avec joie le jour de sa délivrance ; mais tant que le droit de la force n’aura pas abdiqué, — et peut-on dire qu’il ait