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du pays éclate dans les ordonnances de juillet, qui amenèrent la chute de cette royauté. La monarchie de juillet est de tous les gouvernemens de la France celui que l’on peut considérer comme ayant été le plus d’accord avec la volonté nationale ; cependant ce gouvernement lui-même s’est défié du pays en s’établissant sur une base beaucoup trop étroite, et en résistant avec une ténacité systématique à l’extension du pays légal. Cette résolution indiquait évidemment que la classe dominante se croyait plus apte à gouverner le pays qu’il ne l’était à se gouverner lui-même. Sans doute, on doit désapprouver l’extension subite et démesurée du droit de suffrage ; mais une extension graduelle de ce droit eût été le témoignage d’une certaine confiance que les gouvernans d’alors n’ont pas eue. La république de 48 n’a été que la substitution d’un parti à un autre, et d’un parti qui était évidemment une minorité. Cependant, depuis les élections de 1848 jusqu’au coup d’état de 1851, on peut dire que la France s’est à peu près appartenue à elle-même. Ce ne fut qu’un instant ; l’empire nous ramena bientôt la dictature, et après lui ce fut encore à une dictature que le parti vainqueur demanda le salut du pays. Certes nous ne prétendons pas mettre sur la même ligne tous les gouvernemens que nous venons de rappeler, tous ne sont pas coupables au même degré de l’asservissement du pays ; mais tous, même les meilleurs, sont partis d’une idée de défiance envers le pays ; tous ont cru qu’un certain parti, une certaine classe d’opinions, un certain nombre de personnes avaient sur les destinées de la France des idées plus claires et plus sûres qu’elle ne les avait elle-même ; tous l’ont dirigée dans leurs voies, et non dans les siennes. Ils ne l’auraient pas pu, à la vérité, s’ils n’avaient eu quelque chose de commun avec elle ; seulement ils ont tous abusé de ces points communs pour introduire et imposer leurs idées propres.

Par exemple en 1814 le pays voulait bien une réconciliation avec la famille des Bourbons, mais il ne voulait pas de l’idée aristocratique et sacerdotale. En 1830, le pays voulait bien le gouvernement des classes moyennes, mais il ne voulait pas une oligarchie fermée. En 1852, le pays voulait l’ordre, et peut-être ne voulait-il plus la république, mais il ne voulait pas du despotisme militaire. Au 4 septembre, le pays voulait un grand effort de défense nationale, mais il ne voulait pas que ce grand effort se fit exclusivement au profit d’un parti. Ainsi, à chacune de ces phases, il est facile de signaler le point où le gouvernement est d’accord avec le pays et le point où il commence à se substituer à lui. Ce qui fait que les oppositions ont toujours réussi, c’est qu’elles ont toujours eu raison, c’est qu’elles ont pris leur point d’appui dans l’opinion, dont le gouvernement se détachait. Elles se sont emparées de ce grief