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convictions, sans peser jamais sur les délibérations, car rien n’est plus faux que de s’imaginer qu’une assemblée telle que celle-là puisse recevoir des mots d’ordre dans aucune de ses fractions. On a remarqué la parfaite bonne grâce que M. Guizot a montrée à ses adversaires ecclésiastiques ; personne n’a plus insisté que lui pour que le débat eût toute sa latitude, et c’est sur sa proposition que la publicité des séances a été largement accordée. C’était un émouvant spectacle de voir monter à la tribune du synode, ce vétéran de nos luttes parlementaires, cet ancien chef de gouvernement, l’un des maîtres reconnus de l’éloquence française. Il a conservé cette autorité d’aspect, ce geste magistral et ce beau langage précis et mâle qui sont inhérens à son talent. Il a parlé du ton le plus simple, le plus naturel, jusqu’au moment où il a développé avec ampleur ses convictions personnelles sur la nature de la religion, inséparable pour lui de la notion de révélation. On s’aperçoit sans doute à plus d’une lacune que son esprit a vu en ce point comme en d’autres les choses de haut et en grand plutôt que dans leur intime réalité ; son passage au synode de 1872 n’en laisse pas moins d’ineffaçables souvenirs.

La droite a trouvé dans M. Bois, professeur à la faculté de théologie de Mautauban ; un puissant orateur. C’est lui qui, dans tous les momens graves, a prononcé le discours décisif. M. Delmas, pasteur à Bordeaux, a soutenu la même cause avec un esprit pénétrant, M. Vaurigaud, pasteur à Nantes, s’est distingué par la netteté de sa parole. M. Babut, qui avait prononcé le discours d’ouverture du synode, a porté dans ces débats difficiles et orageux un respect si délicat des adversaires, qu’il a parfois embarrassé les ardens de son propre parti. Les laïques aussi n’ont pas fait défaut à la droite dans la discussion. MM. Mettetal et Pernessin y ont pris une part importante, le second avec une verve méridionale. A tout prendre, les débats ont été calmes et dignes, bien qu’ils se soient parfois traînés dans des répétitions fatigantes, qui tenaient à ce que les mêmes sujets revenaient sous des formes diverses. Sans doute, le synode n’a pas opéré ce miracle d’obtenir d’une assemblée délibérante française l’absence totale de mouvemens tumultueux et d’interruptions vives : il a eu deux ou trois momens d’excitation ; cependant il a respecté toutes les convenances, sans oublier que la première de toutes, dans un parlement ecclésiastique ou politique, est le maintien de la liberté des opinions. Les voix jusqu’à la fin ont gardé la même proportion : 47 ou 48 voix pour la minorité, 61 ou 62 pour la majorité. Les projets de loi étaient préparés, comme à l’assemblée nationale, par des commissions nommées dans des bureaux. Toutes les règles protectrices de la liberté des discussions ont été