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scrupuleusement observées. La minorité du concile se fût estimée heureuse de jouir d’un tel régime à Rome ; elle a trouvé bon aujourd’hui d’oublier ses réclamations, mais l’histoire les a enregistrées. Les principales églises protestantes du monde entier, d’Amérique, d’Ecosse, de Suisse, ont envoyé des députations au synode français. On a surtout remarqué les discours de M. le pasteur Coulin, représentant de l’église de Genève, et de M. Bersier, représentant les églises libres de France.


III

Les débats du synode ont roulé sur un seul sujet, qui résultait de la situation de l’église réformée[1]. La question se posait impérieusement dans ces termes : l’église protestante peut-elle demeurer dans l’état d’anarchie doctrinale qui est son sort depuis de longues années ? Du moment où elle est rendue à elle-même, a-t-elle le droit de consacrer par les votes de sa représentation un pareil état de choses ? N’est-elle pas tenue de lui substituer, selon la tradition de son histoire, un ordre ecclésiastique conforme à la nature de l’église chrétienne, replaçant à sa base les croyances universelles des chrétiens ? On connaît la réponse du parti évangélique, qui n’avait demandé le synode et n’y était venu que pour mettre fin à ce qui était à ses yeux un désordre lamentable. L’opinion du parti opposé n’était pas moins tranchée. Pour bien comprendre la gravité du débat, il ne faut pas oublier que, si la question doctrinale était résolue dans le sens orthodoxe, la conséquence devait être tôt ou tard le schisme, car, une fois l’église constituée sur la base d’une doctrine définie, la fraction qui n’en veut pas doit se séparer d’un corps religieux avec lequel elle serait en désaccord profond. Il ne s’agit ni d’anathème ni d’excommunication au sens autoritaire ; il suffit d’une définition de la croyance ecclésiastique pour que les élémens hétérogènes soient amenés à se distinguer.

Telle est la grande question, tout ensemble théorique et pratique, qui a été débattue au synode réformé de 1872. Elle est revenue sous trois formes qui toutes aboutissaient au même résultat. On a d’abord discuté la compétence du synode. La gauche voulait le réduire à un rôle purement consultatif, qui aurait enlevé toute importance à ses décisions. Ce premier point réglé, on s’est trouvé en face de la question de la profession de foi ; quand celle-ci a été votée, il s’agissait de savoir si elle aurait un caractère obligatoire.

  1. Les procès-verbaux du synode ont été publiés, la meilleure source est le livre que publie M. Bersier sous ce titre, le Synode général de l’église réformée