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suicide. Qui aurait osé, qui aurait pu en ce moment signer la paix, à moins de commencer par étouffer jusqu’à la dernière palpitation de patriotisme dans le pays et d’être réduit peut-être à subir le secours ou la connivence de l’ennemi victorieux pour comprimer les révoltes du cœur national ? Si c’était une « folie, » c’était la folie de tout le monde. Les bonapartistes n’en étaient pas encore à représenter comme un bienfait la chance de se racheter au prix d’une mutilation de nationalité, sans avoir épuisé la résistance.

Continuer la guerre était donc une sorte de fatalité à laquelle on ne pouvait se dérober. Il est bien clair seulement que, par la catastrophe militaire de Sedan, comme par le coup d’état populaire du 4 septembre, tout était changé, que cette guerre nouvelle, inévitable, pleine d’inconnu, qui allait commencer, s’engageait dans des conditions étrangement compromises. Qui ne se souvient de ces jours d’anxiété où la situation s’aggravait d’heure en heure, où, avec la volonté de combattre, on ne savait si on aurait le temps de retrouver des moyens de combat, où il fallait chercher à tâtons et dans la fièvre les hommes, les armes, les approvisionnemens, pour soutenir un siège à Paris, pour reprendre la campagne au dehors ? Les armées allemandes désormais libres s’avançaient cependant par toutes les routes au cœur de la France ; dès le 15 septembre, leurs têtes de colonne étaient à Meaux, et pour reconstituer les forces françaises en face de l’ennemi, pour reprendre d’une main vigoureuse la direction de cette lutte inégale, que restait-il ? Un pouvoir sorti d’une émotion publique, un gouvernement de bonne volonté et de hasard qui pouvait avoir les meilleures intentions, mais qui portait en lui-même les germes de toutes les faiblesses, l’incohérence d’une origine révolutionnaire, les préjugés de parti, l’inexpérience des affaires.

On en était là lorsque, le cercle de l’investissement se resserrant et se fermant tout à coup le 19 septembre, Paris et la province se trouvaient séparés avant qu’on eût eu la prévoyance ou le temps de se mettre en garde contre cette désastreuse éventualité. Tout ce qu’on avait imaginé de mieux à l’approche de l’investissement avait été en effet d’expédier à Tours une délégation de deux médiocres vieillards et d’un homme de guerre, l’amiral Fourichon, qui aurait pu certainement rendre les plus utiles services, s’il n’eût été immédiatement assailli par toutes les influences de révolution. M. Crémieux, M. Glais-Bizoin, l’amiral Fourichon, c’était toute l’autorité politique en province, et ici évidemment éclate la première faute dans cette période nouvelle. Le gouvernement de la défense nationale, né à Paris, composé des députés de Paris, n’avait vu que Paris, sous prétexte que là « se concentraient