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les espérances de la patrie, » que « là où était le combat, là devait être le pouvoir. » Il trouvait tout simple, comme il le disait dans une de ses premières proclamations, que « la population parisienne eût choisi pour chefs les mandataires qu’elle avait déjà investis de sa confiance. » C’était assez simple en apparence, c’était surtout selon la tradition révolutionnaire ; seulement, avec cette idée si simple, on arrivait à une situation telle que pendant cinq mois la France tout entière devait rester sous la dictature de la députation parisienne prisonnière des Prussiens, que tous les intérêts nationaux, même les relations extérieures, allaient dépendre d’une ville investie d’où rien ne pouvait s’échapper que par les airs, — de sorte que dans la plus redoutable des crises, entre la province et Paris, il y avait tout à la fois une indissoluble solidarité de gouvernement et une impossibilité presque absolue de combiner une action commune.

Ce n’était peut-être que d’une gravité relative pour Paris, la ville aux immenses ressources où tout était concentré, où l’on avait appelé dès le premier jour tout ce qu’on avait pu réunir de forces et où le gouvernement restait presque tout entier. C’était un désastre pour la province, qui se trouvait subitement livrée à elle-même, à ses incertitudes, avec une révolution sur les bras, au moment où elle aurait eu le plus grand besoin d’être soutenue et rassurée, de sentir une direction énergique et précise. C’est ici que commence réellement cette guerre de province, et pour se préparer à cette lutte inattendue tout était à faire. Qu’on se rappelle un instant ce qu’était cette situation militaire après un mois de combats, c’est-à-dire de défaites. Pour pouvoir porter à la fin de juillet et aux premiers jours d’août un peu plus de 200,000 hommes sur le Rhin, il avait fallu épuiser l’armée française, envoyer tous les régimens, tant les effectifs des corps étaient appauvris et insuffisans. Pour faire l’armée de Sedan, on avait été obligé de ramasser tout ce qui n’était pas enfermé à Metz, d’appeler l’infanterie de marine, d’improviser déjà des régimens de marche avec les dépôts, avec les quatrièmes bataillons, de telle sorte que le jour où de ces deux armées l’une était captive, l’autre immobilisée sous les murs de Metz, il ne restait plus rien, ni soldats ni cadres. Un des historiens de cette guerre, le général Martin des Pallières, qui s’est retrouvé sur la Loire après avoir vaillamment conduit l’infanterie de marine à Sedan, assure qu’on pouvait disposer encore de plus d’un million d’hommes. Évidemment la France n’était point épuisée. Le corps législatif, dans le dernier mois de son existence, avait voté des levées nouvelles qui, avec les gardes mobiles, offraient une ressource considérable ; mais ces hommes, dont la