Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 101.djvu/293

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bataille sur le terrain de concentration de l’ennemi à une journée de nos propres positions : le gouvernement de Tours n’écoutait rien, et ce qu’il y avait de plus étrange, c’est qu’il prétendait expliquer le mouvement qu’il préparait par la nécessité de dégager la gauche de l’armée et l’ouest, menacés par le duc de Mecklembourg. M. Gambetta et M. de Freycinet avaient leur plan arrêté, c’était leur œuvre, dont ils se proposaient de confier l’exécution au 18e et au 20e corps, établis entre Gien et Montargis, en faisant concourir à l’expédition une division de des Pallières qu’on détacherait du 1er corps pour la porter plus à l’est, au risque d’affaiblir le centre des positions de l’armée. A partir du 22 et du 23 novembre, les ordres se pressaient, et c’était si bien l’œuvre du gouvernement que M. de Freycinet dit avec une naïveté de présomption singulière : « Les opérations offrirent ce caractère particulier, qui, pendant toute la période du 10 octobre au 9 février, ne s’est retrouvé dans aucune entreprise, d’être conduites directement par l’administration de la guerre. »

Ainsi non-seulement on jouait sans le vouloir le jeu de l’ennemi par une imprudente tentative, non-seulement on faisait ce qui, selon le mot du major Blume, « pouvait le mieux répondre aux désirs du chef de l’armée allemande, » mais on allait le faire avec des forces disséminées, avec un commandement flottant et partagé, si bien qu’en plein mouvement le général d’Aurelle était réduit à écrire au ministre de la guerre : « Ne connaissant pas le but précis des mouvemens que vous avez ordonnés, il m’est fort difficile de donner des instructions qui pourraient s’écarter de vos intentions. » Et Martin des Pallières à son tour était réduit à écrire au général en chef : « Ne connaissant nullement le plan qui nous fait mouvoir, je crains de faire quelque mouvement qui vienne le contrecarrer en ne se reliant pas à ceux du reste de l’armée. » C’est ainsi que s’engageaient ces opérations qui conduisaient le 28 novembre à la bataille livrée autour de Beaune-la-Rolande, qu’il s’agissait d’enlever avant d’aborder Pithiviers. Assurément ce fut un combat plein d’honneur pour les jeunes soldats du 20e et du 18e corps, qui allaient au feu pour la première fois, qui, s’avançant les uns par Batilly, Nancray, Saint-Loup, les autres par Ladon, Maizières, Juranville, réussissaient un instant à serrer de près la ville de Beaune-la-Rolande, défendue par le Xe corps prussien de Voghts-Rhetz. Il n’était pas moins d’une triste évidence que l’attaque avait manqué. Le 18e et le 20e corps, après quatre journées de pénibles efforts, d’engagemens sanglans, n’étaient pas moins condamnés à reprendre des positions en arrière. Le cabinet militaire de Tours, qui, lui, ne pouvait pas, ne voulait pas avoir échoué, était seul à triompher. Il répétait avec une imperturbable assurance que, par ce qu’il appelait