Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 101.djvu/299

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au général en chef : « D’après l’ensemble de mes renseignemens, je ne crois pas que vous trouviez à Pithiviers ni sur les autres points une résistance prolongée. Selon moi, l’ennemi cherchera uniquement à masquer son mouvement vers le nord-est à la rencontre de Ducrot. La colonne à laquelle vous avez eu affaire hier et peut-être encore aujourd’hui n’est sans doute qu’une fraction isolée qui cherche à nous retarder ; mais, je le répète, le gros doit filer vers Corbeil. » Ils y tenaient, et ils voyaient clair, ces profonds stratégistes ! Le ministre de la guerre disait dans la même dépêche au général d’Aurelle : « Il demeure entendu qu’à partir de ce jour, et par suite des opérations en cours, vous donnerez directement vos instructions stratégiques aux 15e 16e 17e 18e et 20e corps. J’avais dirigé jusqu’à hier les 18e et 20e et par moment le 17e. Je vous laisse ce soin désormais. » — Il était bien temps, lorsque Chanzy venait d’être refoulé, lorsqu’on ne pouvait plus tenter une concentration quelconque sans avoir à défiler sous le regard et sous le canon de l’ennemi qui s’avançait, lorsqu’on ne savait pas même si on aurait le temps de rappeler la division de Martin des Pallières, détachée vers Chilleurs-aux-Bois, lorsqu’enfin il était absolument puéril de songer à rallier le 18e et le 2e« corps, qui étaient bien plus loin !

Non, certainement, le prince Frédéric-Charles ne pensait guère à « filer » vers Corbeil, et ses forces n’étaient pas des « colonnes isolées ; » elles se concentraient au contraire d’heure en heure. Depuis plusieurs jours, le prince Frédéric-Charles attendait de voir se dessiner les mouvemens de l’armée française. Le 1er décembre, il avait laissé s’engager le 16e corps sans lui opposer des forces suffisantes ; le 2, il chargeait le grand-duc de l’arrêter et de le repousser, s’il le pouvait ; le troisième jour, il se disposait à frapper lui-même le grand coup. Il en avait du reste reçu l’ordre direct de Versailles dans l’après-midi du 2, — juste à l’heure où se livraient la bataille de Loigny, près d’Orléans, et la bataille de Champigny, aux portes de Paris ! Le 3 en effet, le prince généralissime allemand était prêt à frapper le coup décisif qu’il méditait. Pendant que le grand-duc de Mecklembourg restait chargé de continuer sa marche à l’ouest d’Orléans sur les traces du 16e corps, le IIIe corps prussien devait se jeter à l’est sur Chilleurs-aux-Bois pour forcer la ligne de la forêt, le IXe corps devait attaquer Artenay sur le chemin de fer de Paris ; le Xe corps avait un rôle intermédiaire, prêt à se porter où il le faudrait. Le résultat de ce mouvement concentrique était malheureusement pour nous, d’un succès vraisemblable. La division de Martin des Pallières, assaillie à Chilleurs-aux-Bois au moment où, d’après l’ordre du général en chef, elle allait se replier sur Orléans, n’avait que le temps de faire face à l’ennemi et de le retarder jusqu’au soir par un combat énergiquement, mais inutilement soutenu.