Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 101.djvu/300

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Les divisions du 15e corps, qui étaient sur la ligne d’Artenay, se trouvaient réduites à battre en retraite en disputant vigoureusement le terrain, en se repliant pas à pas. Dès ce moment, on peut dire que la ligne était percée, et le mouvement de l’ennemi se dessinait de façon à intercepter toute communication entre tout ce qui refluait vers Orléans et ce qui restait en dehors de ce cercle. Le 16e corps ne pourrait plus regagner Orléans ; du 18e et du 20e corps, il n’y avait plus rien à dire. Martin des Pallières seul, après son combat de Chilleurs-aux-Bois, parvenait à se replier vers Orléans. La situation devenait poignante. De toutes parts, la réalité apparaissait nue et sinistre. Les premières lignes de défense étaient perdues, on n’avait plus pour s’abriter que les dernières batteries élevées autour d’Orléans, et pour continuer la lutte il ne restait que des troupes harassées, découragées par deux jours de combat où elles avaient senti peser sur elles les masses allemandes. Qu’arrivait-il cependant ? Encore à ce suprême et cruel moment le cabinet militaire de Tours trouvait le moyen de donner un nouveau spécimen de ses calculs profonds et de sa clairvoyance. Le 3 décembre, à dix heures cinquante du soir, M. de Freycinet adressait au général d’Aurelle cette étrange dépêche :


« Il me semble que dans les divers combats que vous avez soutenus vos divers corps ont agi plutôt successivement que simultanément, d’où il suit que chacun d’eux a presque partout trouvé l’ennemi en forces supérieures. Pour y remédier dorénavant, je suis d’avis que vos corps soient le plus concentrés possible ; à cet égard, il me semble que le 16e et le 17e corps sont un peu trop développés vers la gauche. Quant au 18e et au 20e je les engage dès ce matin, à moins d’ordres contraires de vous, à appuyer sur la gauche et à se rapprocher de des Pallières, en marquant un mouvement de concentration vers Orléans ; mais j’ai lieu de penser, d’après ma dépêche vers six heures, que mes instructions ne sont pas parvenues à temps. Bref, en prenant la situation au point où elle est maintenant, je crois devoir appeler votre attention sur l’opportunité d’un mouvement concentrique général à effectuer demain dimanche d’aussi bonne heure que possible… J’insiste sur cette concentration parce que, le mouvement en avant de l’armée ne me paraissant pas pouvoir être repris tout de suite, il n’y a plus le même intérêt à conserver les 18e et 20e corps et partie du 15, en avant sur votre droite dans la route à suivre, ainsi que cela convenait au début de l’opération… »


Cette concentration, c’était justement ce que les généraux avaient réclamé dès le premier jour ! Cette dissémination des forces, qui devait conduire fatalement à l’incohérence des opérations, c’était le fait dont ils n’avaient cessé de se plaindre, parce qu’ils en