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archevêque Dalbergle proclamait dans sa patente constitutionnelle, n’était qu’une copie du royaume de Westphalie; le grand-duché de Berg au contraire peut en être regardé comme l’ébauche.

Avant les fatales réunions de 1811 (Oldenburg, Hanovre, villes hanséatiques), Napoléon Ier avait paru tenir fortement à ce principe que le Rhin devait former la limite de la France. Il ne voulut rien prendre pour elle, ni des dépouilles autrichiennes en 1805, ni des dépouilles prussiennes en 1806. « J’ai assez du Rhin, » était le mot qu’il répétait sans cesse à ses confidens et aux députations berlinoises. En 1808, lorsque le sénatus-consulte du 21 janvier réunit à l’empire les villes et territoires de Kehl, Castel, Wesel, Flessingue, les considérans de cet acte invoquaient le même principe: « Si l’extrême modération de sa majesté l’empereur et roi n’avait déjà éclaté aux yeux de l’Europe,... on s’étonnerait sans doute de voir un prince, dont les aigles ont victorieusement plané depuis l’Adriatique jusqu’au Niémen, convoquer solennellement le sénat français pour ne lui proposer la conservation que de quatre points pour ainsi dire imperceptibles dans l’immense étendue de ses conquêtes... Son génie a fait la France assez grande. »

Mais constituer en pleine Allemagne un état presque français, plus étroitement rattaché à la France, à l’empire, à la dynastie, que les états allemands de la confédération, qui implanterait en Germanie les institutions, les lois, presque la langue et le sang français, qui, gouverné par un prince de la famille impériale, recevrait plus directement les ordres et les inspirations de l’empereur, était une idée déjà ancienne chez Napoléon. Dès 1806, cette idée avait pris corps dans le grand-duché de Berg. Formé de territoires cédés par la Bavière, la Prusse ou la maison de Nassau, peuplé d’environ 900,000 habitans, situé sur le Rhin, à la frontière même et sous la protection immédiate de la France, avec ses cantons industriels de la Marck et sa capitale artistique et lettrée de Düsseldorff, il constituait un charmant état. On y avait établi l’égalité devant la loi du bourgeois et du paysan, du maître et du compagnon, de l’ancien serf et de l’ancien seigneur. On avait aussi fait sa part à la liberté : comme à Francfort et dans la Westphalie, il devait y avoir à Düsseldorff une représentation nationale fondée sur les célèbres maximes de l’an VIII. Les communes, les districts, les départemens avaient leurs conseils quasi-électifs à côté des agens du pouvoir central. L’égalité religieuse s’était établie entre les catholiques de Düsseldorff, les réformés de Nassau, les luthériens de la Marck; en 1811. quand l’empereur visita le grand-duché, on lui présenta en une seule députation les ministres des différens cultes, et c’est le rabbin qui fit le compliment. Naturellement on dota le nouvel état du