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bulletin de la grande armée; on y voyait la série des griefs impériaux contre l’électeur.


« Il paiera cette frénésie de la perte de ses états. Il n’y a pas en Allemagne une maison qui ait été plus constamment ennemie de la France. Depuis bien des années, elle vendait le sang de ses sujets à l’Angleterre pour nous faire la guerre dans les deux mondes, et c’est à ce trafic de troupes que ce prince doit les trésors qu’il a amassés, dont une partie est enfermée à Magdeburg et une autre a été transportée à l’étranger. Cette sordide avarice a entraîné la catastrophe de sa maison, dont l’existence sur nos frontières est incompatible avec la sûreté de la France... Les peuples de Hesse-Cassel seront plus heureux. Déchargés de ces immenses corvées militaires, ils pourront se livrer paisiblement à la culture de leurs champs; déchargés d’une partie des impôts, ils seront aussi gouvernés par des principes généreux et libéraux, principes qui dirigent l’administration de la France et de ses alliés. »


Les accusations étaient justes, les promesses de dégrèvement un peu suspectes. Quoi qu’il en soit, la maison de Hesse était déchue du trône. Son chef n’avait su ni aider la Prusse, ni se concilier la France, ni garder la neutralité. Il tombait victime de ses propres ruses, de ses convoitises, de ses calculs mercantiles. Les patriotes allemands portèrent sur lui le même jugement que les Français. « Tous les hommes, dit l’historien Schlosser, et vraisemblablement les anges du ciel, se réjouirent quand il perdit argent, terre et sujets pour avoir voulu pêcher aux deux rivages. »


II.

L’impression fut toute différente en Allemagne quand Napoléon détrôna l’antique maison de Brunswick. Le vieux duc Charles-Guillaume-Ferdinand était, avant sa défaite d’Iéna, un des souverains les plus aimés et le général le plus admiré de l’Allemagne. Le duc Charles, son père, avait été un prince magnifique et dépensier qui avait endetté ce petit pays de 11 ou 12 millions de thalers. Le Brunswick eût fait banqueroute, si Charles-Guillaume, prince héritier, n’eût dès lors pris en main l’administration financière. Devenu duc en 1780, il ne mit que onze années à réduire la dette à 4 millions de thalers. Ce résultat parut prodigieux; ses ennemis osèrent l’accuser, en 1792, d’avoir touché de l’argent français. Les subsides mêmes qu’il recevait de l’Angleterre pour des fournitures de soldats eussent à peine suffi à payer les intérêts de la dette. C’était donc l’économie, l’économie seule, qui avait opéré ce miracle, et, ce qui était rare chez un prince allemand, c’était sur sa dépense personnelle qu’il cherchait à épargner; chose plus rare encore, il réduisit