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dicis[1] : « Le roi très chrétien ne peut conclure un accord qu’en faisant des concessions sur le spirituel et sur le temporel. Il ne peut faire des concessions sur le spirituel sans entreprendre sur les droits d’autrui, et Dieu, de qui sont ces droits, ne le souffrira pas; il n’en peut faire sur le temporel sans porter atteinte à sa propre autorité... Or il vaut beaucoup mieux avoir un royaume ruiné, en le conservant pour Dieu et le roi, au moyen de la guerre civile, que de l’avoir tout entier sans celle-ci au profit du démon et des hérétiques ses sectateurs. » La réaction catholique du XVIe siècle avait donc trouvé dans Philippe II un agent puissant, impitoyable, qui, dépassant le but, effrayait à juste titre les sages de la cour de Rome, où cependant la doctrine de l’extermination ne manquait pas de partisans, car à cette époque d’excitation religieuse Simon de Montfort rencontrait des émules, et la plume du duc d’Albe, aussi ferme que son épée, traçait à l’école moderne de l’autorité absolue sa formule et sa règle d’action.

La réforme était antipathique au génie espagnol, qui fournit au catholicisme militant un indéfectible appui, sur le caractère duquel nous reviendrons plus tard. Le scepticisme italien de la renaissance se fût accommodé peut-être de la réforme, si l’intérêt de la péninsule ne l’avait point rattachée à la papauté; mais Venise et Florence restaient pour les papes des amis réservés. Tous les regards étaient tournés à Rome vers la France, de laquelle on attendait l’impulsion décisive pour les destins du catholicisme. Or la réaction catholique y trouvait une énergique résistance. La réforme ne s’y était point répandue sans doute avec les mêmes facilités qu’en Allemagne, mais pourtant elle y avait obtenu de notables succès. C’est par Calvin, et bien après Luther et dans d’autres conditions, qu’elle s’y était propagée en rencontrant de considérables obstacles. Le clergé catholique, quoique fort riche, n’y possédait point ces vastes territoires ecclésiastiques qui comptaient parmi les états souverains, en Allemagne, et dont la transformation séculière a été l’un des premiers résultats de la réforme. Le clergé français était en général savant, attaché à ses devoirs, considéré, national; il luttait contre les empiétemens et les prétentions de la cour de Rome, tout en demeurant dans le giron de l’église. Si le clergé français avait alors été ultramontain, c’en était fait peut-être du catholicisme en France, car la cour de Rome y était profondément impopulaire malgré le respect qu’on gardait au chef de l’église : sentimens en apparence contradictoires, que l’histoire pourtant atteste et justifie. Au demeurant, l’église de France était l’honneur du ca-

  1. Voyez la Correspondance de Philippe II, par M. Gachard, t. ler, p. 609. Lettre de décembre 1567.