Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 101.djvu/593

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les premiers siècles capétiens une cause de troubles très graves par les répudiations de Berthe, d’Éléonore d’Aquitaine et d’Ingeburge. L’intérêt dynastique fit comprendre aux rois la nécessité de donner pour base à l’ordre de succession la fixité du mariage, et depuis Philippe-Auguste jusqu’à la révolution Louis XII et Henri IV furent les seuls qui profitèrent des dispositions du droit canonique et de la bonne volonté des papes pour changer de femmes légitimes; mais la plupart se dédommagèrent largement de la contrainte que leur imposaient la politique et la religion.

A dater du règne de Charles VI, les reines de hasard s’identifient avec les rois; elles font pour ainsi dire partie intégrante de la monarchie et forment, à côté des branches cadettes, comme une troisième branche qui se recrute indistinctement dans la noblesse et la roture. Sur les quinze derniers rois de la troisième race, on en compte douze qui pratiquent publiquement la polygamie mitigée des temps mérovingiens. Les favorites se succèdent, suivant le mot de Brantôme, « comme un clou qui chasse l’autre, » et plus on se rapproche de notre temps, plus elles sont nombreuses et puissantes. A côté de Charles VI, nous trouvons Odette de Champdivers; à côté de Charles VII, Agnès Sorel, Antoinette de Meignelai, dame de Villequier, Gérarde Cassignol, plus une espèce de sérail permanent qui aide le roi de Bourges à perdre gaîment son royaume; à côté de Louis XI, Marguerite de Sassenaye, Huguette de Jacquelin, qui représentent l’ordre de la noblesse, et Phélise Renard, la Gigonne et la Passefilon, qui représentent l’ordre du tiers et ces gens de petit état parmi lesquels Louis aimait à prendre ses confidens et ses bourreaux; à côté de François Ier, N. Cureon, Étampes, Chateaubriant, la Féronnière ou l’Avocate, et peut-être Anne de Boleyn et Diane de Poitiers; à côté de Henri II, Philippe Duc, Flavin de Leviston, Nicole de Savigny, Diane de Poitiers ; à côté de Charles IX, Marie Touchet; à côté de Henri III, Renée de Rieux, Marie de Clèves ; à côté de Henri IV, d’Ayelle, Gabrielle, Tignonville, Martine, de Luc, Armandine, Montaigu, Fleurette, la Glandée, Boinville, Corisande d’Andouins, Charlotte des Essarts, Antoinette de Pons, Marie de Beauvilliers, et bien d’autres encore que nous renonçons à nommer, car nous arriverions à 57, et nous n’aurions point encore épuisé la liste; — auprès de Louis XIV, âgé de quinze ans, Mme de Beauvais, âgée de quarante-cinq, et plus tard, en avançant dans le règne, Lamotte d’Agencourt, La Vallière, Fontanges, Montespan, la marquise de